Presidentielle burundaise: un scrutin assorti de violences

Burundi Political Tensions

Une explosion suivie de tirs ont été entendus mardi matin peu avant l'ouverture des bureaux de vote dans le quartier de Musaga sans le sud de Bujumbura.

Le président Pierre Nkurunziza est assuré de remporter, lors de la présidentielle qui s'est ouverte mardi matin au Burundi, un troisième mandat controversé, jugé contraire à la Constitution par ses adversaires et dont la quête obstinée a plongé son pays dans une grave crise.

Quelque 3,8 millions de Burundais sont appelés aux urnes pour une élection sans suspense boycottée par l'opposition, mais sous tension alors que des explosions et des tirs retentissent depuis lundi soir dans plusieurs quartiers de Bujumbura.

Une explosion suivie de tirs ont été entendus mardi matin peu avant l'ouverture des bureaux de vote dans le quartier de Musaga (sud de Bujumbura), selon un journaliste de l'AFP et plusieurs habitants.

Tout au long de la nuit d'autres explosions et tirs ont retenti dans la capitale venant rappeler le climat délétère dans lequel se déroule le scrutin, jugé non crédible par la communauté internationale.

Deux personnes sont mortes, un policier tué par l'explosion d'une grenade et un civil abattu par balles dans des circonstances inconnues, à Bujumbura.

Willy Nyamitwe, principal conseiller en communication du président Nkurunziza, a dénoncé des "actes terroristes", visant "à intimider les électeurs".

A quelques heures de l'ouverture du scrutin, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé les autorités burundaises à "tout faire pour assurer la sécurité et la tenue pacifique" de l'élection présidentielle.

Il invite "toutes les parties à s'abstenir de commettre toute forme de violence qui pourrait compromettre la stabilité du Burundi et de la région".

Le scrutin est boycotté par l'opposition qui dénie le droit à M. Nkurunziza - élu en 2005 et en 2010 - de briguer un nouveau mandat et dénonce un "simulacre d'élection", dont elle a demandé sans succès le report.

La candidature de M. Nkurunziza a plongé depuis fin avril le Burundi dans une profonde crise politique, émaillée de violences qui ont fait plus de 80 morts.

Les autorités burundaises ont déjoué à la mi-mai une tentative de coup d'État militaire et étouffé à la mi-juin un mois et demi de manifestations quasi quotidiennes à Bujumbura par une répression brutale. Mais le pays a connu depuis une série d'attaques à la grenade et, depuis dix jours, des combats et escarmouches entre armée et rebelles dans le nord du pays, près de la frontière avec le Rwanda.

Après la très large victoire sans surprise du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, aux législatives et communales du 29 juin, déjà boycottées par l'opposition, la victoire de M. Nkurunziza ne fait aucun doute, selon les observateurs.

En face, ne restent que trois candidats issus de petites formations réputées alliées au pouvoir, en plus de son principal opposant, Agathon Rwasa, qui n'a pas retiré officiellement sa candidature, mais conteste à l'avance la légitimité du scrutin et dit n'avoir pas fait campagne.

Les trois autres candidats enregistrés - Jean Minani, président du parti Frodebu-Nanyuki (opposition), et les deux anciens chefs de l'Etat Domitien Ndayizeye et Sylvestre Ntibantunganya, tous trois opposés à un troisième mandat de M. Nkurunziza - se sont retirés de la course, dénonçant "une mascarade" et une élection "pas aux normes (...) internationales".

"Malgré un pluralisme de façade, il s'agit d'une élection à un seul candidat dont les Burundais connaissent déjà l'issue", a commenté Thierry Vircoulon, de l'International Crisis Group (ICG).

La communauté internationale - ONU, partenaires occidentaux, Union africaine - estime que le climat politique et sécuritaire actuel ne permet pas un processus électoral crédible.

Les manifestations sont interdites et brutalement réprimées depuis fin avril, parfois à balles réelles, les médias privés sont réduits au silence, journalistes et opposants se terrent ou sont en exil, l'atmosphère d'intimidation est généralisée, entretenue notamment par les imbonerakure, les jeunes du CNDD-FDD, qualifiés de "milice" par l'ONU.

Pour de nombreux observateurs, il est acquis que M. Nkurunziza obtiendra son troisième mandat mardi, mais les lendemains de victoire risquent d'être compliqués, avec un Burundi divisé, isolé sur la scène internationale et privé d'une aide extérieure cruciale alors qu'il figure parmi les dix pays les moins développés au monde.

"Nous préférons une crise budgétaire à une crise institutionnelle et sécuritaire", a expliqué samedi Willy Nyamitwe.

Les observateurs s'inquiètent de voir la crise déboucher en outre sur des violences à grande échelle, dans un pays à l'histoire post-coloniale jalonnée de coups d'Etat et de massacres entre Hutu et Tutsi, et qui se remettait difficilement depuis dix ans de la guerre civile.

"Tous les éléments d'un conflit ouvert sont en place" au Burundi, avertissait fin mai l'ICG.

Le mince espoir d'apaisement ouvert par la médiation du président ougandais Yoweri Museveni, mandaté par la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC) et qui avait réussi à faire s'asseoir ensemble les deux camps, a volé en éclat dimanche, le camp présidentiel ayant quitté la table.

Avec AFP