Béchir assure que son pouvoir ne cèdera pas à la contestation au Soudan

Omar el-Béchir, président du Soudan, au Caire, le 22 février 2009.

Le président Omar el-Béchir a assuré lundi que la contestation qui secoue le Soudan depuis près d'un mois ne parviendrait pas à bout du pouvoir qu'il exerce depuis près de trois décennies, lors d'un rassemblement de ses partisans au Darfour (ouest).

"Les manifestations ne conduiront pas à un changement de pouvoir", a dit M. Béchir devant la foule rassemblée à Niyala, capitale du Darfour-Sud, au lendemain de premières manifestations antigouvernementales dans cette région théâtre d'un conflit meurtrier depuis le début des années 2000.

"Il y a une seule voie vers le pouvoir, et c'est celle des urnes. Le peuple soudanais décidera en 2020 qui doit les gouverner", a déclaré M. Béchir, 75 ans, dont une troisième candidature à l'élection présidentielle prévue l'an prochain est pressentie.

L'actuel mouvement de contestation au Soudan a débuté le 19 décembre après la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, dans un pays en plein marasme économique.

Les manifestations se sont ensuite rapidement transformées en une contestation du pouvoir d'Omar el-Béchir, qui dirige le pays d'une main de fer depuis 1989.

- "Beaucoup d'ennemis" -

Vingt-quatre personnes sont mortes depuis le début du mouvement, selon un bilan officiel. Les ONG Human Rights Watch et Amnesty International parlent elles d'au moins 40 morts, dont des enfants et des personnels médicaux.

"Le Soudan a beaucoup d'ennemis et ces ennemis comptent quelques personnes parmi nous qui ne veulent pas la stabilité et la sécurité", a ajouté le chef de l'Etat soudanais, en brandissant sa canne à l'adresse de ses partisans qui scandaient "reste, reste".

"Nous ne permettrons à personne de détruire notre patrie en pillant et en brûlant nos propriétés", a-t-il clamé.

Les manifestations ont commencé dans plusieurs localités avant de gagner Khartoum. Plusieurs bâtiments et bureaux du parti du Congrès national (NCP) de M. Béchir ont été incendiés lors des premiers jours de la contestation.

Dimanche, des rassemblements ont eu lieu à Khartoum mais aussi, pour la première fois depuis le 19 décembre, à Al-Facher, capitale de l'Etat du Darfour-Nord, et à Niyala. Ils ont été réprimés par la police à coups de gaz lacrymogènes, d'après des témoins.

Vaste comme la France, la région du Darfour, dans l'ouest du pays, est secouée depuis 2003 par un conflit opposant les forces soudanaises à des rebelles issus de minorités ethniques et s'estimant marginalisés par le pouvoir central.

Ce conflit au Darfour a fait plus de 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l'ONU. Le président soudanais est, de longue date, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour répondre d'accusations de génocide et crimes de guerre dans cette région.

- "Problèmes économiques" -

Lundi, M. Béchir a réaffirmé que le Soudan était confronté "à des problèmes économiques" qui ne peuvent pas être résolus par des pillages et des incendies.

A Khartoum, des agents du puissant Service national du renseignement et de la sécurité (NISS) ont empêché lundi une manifestation de journalistes protestant contre l'interdiction cette semaine d'un journal, selon des témoins. "Al-Jadida" a été interdit de publication par les autorités durant plusieurs jours cette semaine, a dit un témoin à l'AFP sans autre précision.

L'Association des professionnels soudanais, qui regroupe entre autres des médecins, des professeurs et des ingénieurs, a appelé à de nouveaux rassemblements dans le cadre d'une "semaine du soulèvement".

Dimanche, la police a fait usage à Khartoum de "balles réelles", ont affirmé les organisateurs de la manifestation dans la capitale.

Des manifestations ont également eu lieu à Madani (centre) ainsi que dans des villages de la province agricole et pauvre de Gadaref (est).

Environ 1.000 personnes ont été arrêtées dans différentes localités du Soudan en trois semaines de manifestations, selon des groupes de défense des droits humains, notamment des militants, des leaders de l'opposition et des journalistes.

Amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, le pays est confronté à une inflation de près de 70% par an. Plusieurs villes souffrent de pénuries de pain et de carburant.