Un soldat russe jugé pour crimes de guerre en Ukraine, le premier dans le conflit, s'est dit "sincèrement désolé" vendredi, au moment où Moscou accentue la pression dans le Donbass, transformé en "enfer", selon Kiev.
Vadim Chichimarine, un militaire russe de 21 ans, comparaît depuis mercredi devant un tribunal ukrainien, accusé d'avoir tué un homme de 62 ans, Oleksandre Chelipov, dans le nord-est de l'Ukraine au début de l'invasion.
"Comte tenu de toutes les preuves et témoignages, je crois que M. Chichimarine n'est pas coupable du crime dont il est accusé", a dit son avocat Viktor Ovsiannykov, plaidant vendredi l'acquittement. La veille, le parquet avait requis la prison à vie.
"Je suis sincèrement désolé", a dit l'accusé, qui reconnaît les faits et dit avoir obéi à un supérieur. "Je regrette ce que j'ai fait (...) J'étais nerveux dans cette situation. Je ne voulais pas tuer". Le verdict est attendu lundi.
"L'enfer" au Donbass
Après avoir échoué à prendre Kiev et Kharkiv, la deuxième ville ukrainienne (nord-est), la Russie concentre ses efforts militaires dans l'est et le sud. Moscou cherche notamment à conquérir totalement le Donbass, partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes prorusses.
Le ministre russe de la Défense a assuré vendredi que la conquête de la région de Lougansk, qui avec celle de Donetsk forme le Donbass, était "presque achevée". De son côté, le ministère ukrainien de la Défense affirme que l'armée russe "a intensifié ses offensives et tentatives d’assaut" dans le Donbass, globalement toutes repoussées, et a bombardé "toute la ligne de front".
"C'est l'enfer dans le Donbass, et ce n'est pas une exagération", avait déclaré quelques heures plus tôt le président ukrainien. Ses services ont signalé vendredi matin des bombardements sur un axe allant du nord-est au sud du pays. Des frappes russes avaient fait 12 morts et 40 blessés jeudi à Severodonetsk, dans la région de Lougansk, selon le gouverneur local Serguiï Gaïdaï.
D'après les autorités ukrainiennes, jusqu'à 15.000 personnes vivent encore dans des abris à Severodonetsk, dévastée par les bombes. Une équipe de l'AFP a constaté que la cité industrielle était transformée depuis plusieurs jours en champ de bataille et écrasée sous les tirs d'artillerie.
"Je ne sais pas combien de temps nous pouvons tenir", a dit Nella Kachkina, 65 ans, ancienne employée de la municipalité aujourd'hui retraitée. Severodonetsk et Lyssytchansk, séparées par une rivière, constituent la dernière poche de résistance ukrainienne dans la région.
"L’ennemi a lancé des tentatives d’assaut en direction de Severodonetsk, n’a pas eu de succès et a été contraint de se replier", a déclaré le ministère ukrainien de la Défense, signalant des "combats en cours près de Tochkivka", à une quarantaine de kilomètres au sud. "L'évacuation de la population continue", selon la présidence ukrainienne.
Chute de Marioupol
Par ailleurs, des soldats russes ont tué jeudi cinq civils dans la région de Donetsk, selon le gouverneur Pavlo Kyrylenko. Dans le Sud-Est, 1.908 soldats ukrainiens retranchés dans les entrailles du complexe sidérurgique Azovstal, dans le port stratégique de Marioupol, se sont rendus depuis lundi aux forces russes, a déclaré le ministre russe de la Défense.
Moscou a rendu publiques des images montrant des cohortes d'hommes en tenue de combat émergeant de l'aciérie, certains avec des béquilles ou des bandages, après une longue bataille qui était devenue un symbole de la résistance ukrainienne à l'invasion russe.
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Selon Kiev, cette ville-martyre a été à 90% détruite et au moins 20.000 personnes y ont péri. Ces soldats, parmi lesquels 80 blessés, "se sont constitués prisonniers", a souligné le ministère russe de la Défense.
Kiev n'a pas parlé de reddition. "Je fais tout pour que les forces internationales les plus influentes soient informées, et dans la mesure du possible impliquées, dans le sauvetage de nos héros", a déclaré le président Volodymyr Zelensky jeudi soir.
Membres pour l'essentiel d'une unité de fusiliers marins et du régiment Azov fondé par des nationalistes ukrainiens, les combattants évacués étaient retranchés depuis plusieurs semaines dans le dédale de galeries souterraines creusées à l'époque soviétique sous la gigantesque aciérie, massivement bombardée par les Russes.
Dans une vidéo publiée jeudi, Sviatoslav Palamar, commandant adjoint du régiment Azov, a confirmé être toujours dans l'usine avec le reste du commandement, refusant de dévoiler les détails de l'"opération" en cours. "Un nombre inconnu de militaires ukrainiens reste dans l'usine", a résumé vendredi le ministère britannique de la Défense sur Twitter.
Leur sort reste en suspens: l'Ukraine veut organiser un échange de prisonniers de guerre mais la Russie a fait savoir qu'elle considérait au moins une partie d'entre eux non pas comme des soldats, mais comme des combattants "néonazis".
Pour la suite, "une fois que la Russie aura sécurisé Marioupol, il est probable qu'elle déplacera ses forces (dans la région) pour renforcer les opérations dans le Donbass", estime le ministère britannique.
Mais ces unités "doivent être rééquipées et remises en état avant de pouvoir être redéployées efficacement", alors même que le commandement russe est "sous pression" pour des résultats, analyse la même source. Qui conclut: "La Russie va probablement redéployer ses forces rapidement sans préparation adéquate, ce qui risque d'encore augmenter leur usure".
40 milliards d'aide américaine
Le Congrès américain a débloqué jeudi une enveloppe gigantesque de 40 milliards de dollars pour soutenir l'effort de guerre ukrainien. Et les ministres des Finances du G7 ont commencé à faire le compte des milliards que chaque pays pourrait verser à Kiev.
"Pour nos partenaires, ce ne sont pas juste des dépenses ou un don", a réagi M. Zelensky dans une allocution vidéo dans la nuit. "C’est leur contribution à leur propre sécurité, car la protection de l’Ukraine signifie leur propre protection contre de nouvelles guerres et crises que la Russie peut provoquer".
La nouvelle aide américaine doit notamment permettre à l'Ukraine de s'équiper en blindés et de renforcer sa défense antiaérienne.
Semblant s'installer dans la durée, la guerre menace d’aggraver la crise alimentaire mondiale car elle perturbe gravement l'activité agricole et les exportations céréalières de l'Ukraine, pays qui était jusque-là le quatrième exportateur mondial de maïs et en passe de devenir le troisième exportateur de blé.
"Arrêtez de bloquer les ports de la mer Noire! Autorisez la libre circulation des navires, des trains et des camions transportant de la nourriture hors d'Ukraine", a réclamé jeudi soir le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU.
Ce à quoi l'ambassadeur russe aux Nations unies, Vassily Nebenzia, a rétorqué en dénonçant une volonté occidentale "de faire porter le chapeau à la Russie pour tous les problèmes du monde".