Dans la plupart des zones rurales du Cameroun, prévaut ce que les autorités de la commission nationale anti-corruption appellent "la petite corruption". "Petite", mais tout aussi ravageuse que la grande corruption parce qu’elle ruine l’effort des communautés rurales, les prive des infrastructures de base tels que les hôpitaux, les salles de classe, les routes, les forages ou encore l’électrification rurale.
La radio communale de Batouri, dans la région de l’Est à plus de 404 km de Yaoundé, fait partie des radios communautaires qui éduque les populations rurales à la dénonciation des actes de corruption. "Un militaire ou un policier qui demande de l’argent à un citoyen lors d’un contrôle et vous lui en donnez, ce sont des choses qui ne doivent pas se faire", lance au cours d’une émission Marouane Oumarou, responsable de cette radio.
"Il y a beaucoup d’avancées depuis que nous produisons ces émissions, parce que certaines personnes viennent nous rencontrer pour nous dire qu’elles ont été victimes de ci ou ça", ajoute-t-il. "Nous référons tous ces cas à la Conac pour les investigations afin d’établir les responsabilités et les différentes personnes impliquées seront mis aux arrêts", assure-t-il.
Accaparement des terres
Batouri et les villages environnants comme Ndem II, dans la région de l’Est sont situés dans une zone minière. "Quand on trouve une femme dans le champ, on lui propose une somme de 50.000, 30.000 francs CFA et on lui dit qu’on va prendre sa parcelle pour faire l’exploitation de l’or et il est difficile pour une femme de s’y opposer parce qu’on lui dit que l’ordre vient de Yaoundé, la loi vient de Yaoundé, tu ne peux pas désobéir à la loi du chef", raconte désabusée sous anonymat, une cultivatrice.
Lire aussi : La corruption mine le sud du CamerounUn autre natif du village Ndem II témoigne, "qu’il y’ a trop de corruption autour de l’accaparement leurs terres au profit des sociétés chinoises." Il explique, "le papa qui vous a montré son lac qui a été endommagé par les activités d’une société minière chinoise, c’est un vieux dossier qui ne va presque jamais aboutir parce qu’il trop de corruption pour le règlement de cette affaire."
La commission nationale anti-corruption, Conac a sélectionné 22 des 150 radios communautaires du Cameroun et formé les producteurs d’émissions en langues locales afin qu’ils sensibilisent sur la lutte contre la corruption.
Sensibiliser dans les langues locales
"Je trouve que cette collaboration est la bienvenue, elle va nous permettre de mieux sensibiliser sur le terrain les populations en langues locales et va booster les activités de la Conac", confie Moise Ngayap, chef de chaîne de radio Sawtu à Ngaoundéré dans la partie septentrionale du pays.
La corruption porte surtout un sérieux coup au développement dans les zones reculées du Cameroun. "La lutte contre la corruption concerne tous les citoyens camerounais que ce sont les citoyens des grandes villes ou des zones rurales, c’est pour cela que nous avons signé la convention avec 22 radios communautaires", soutient Dieudonné Massi Gam’s, président de la commission nationale anti-corruption.
Par cette initiative, ajoute-t-il, "il est question de faire comprendre à la masse rurale qui est la plus importante de notre pays, qu’elle est également interpellée pour se défendre, pour défendre ses intérêts, et ce n’est qu’à travers les radios locales que cette masse peut être informée pour lutter contre la corruption d’une manière efficace."
Le Cameroun est dans un processus de décentralisation, mais de nombreux projets dans les zones rurales ne sont pas exécutés à cause de la corruption et parfois de l’ignorance des populations sur les voies de dénonciations.