Le long des artères de Libreville, décorées de banderoles annonçant l'évènement qui se tient du 14 janvier au 5 février, des ouvriers s'affairent et passent une couche de peinture blanche sur les bordures des trottoirs.
Dans les autres villes hôtes, Oyem (nord), Franceville (sud-est) et Port-Gentil, la capitale pétrolière, les chantiers d'aménagement des abords des stades sont toujours en cours.
Mais à quelques jours du coup d'envoi, point d'engouement massif. Les fêtes de fin d'année ont été particulièrement maussades pour nombre de Gabonais, frappés par la crise économique sévère liée à l'effondrement des cours du pétrole, première source de revenus de ce pays d'Afrique centrale de 1,8 million d'habitants où sont installés de nombreux immigrés africains (Sénégalais, Burkinabè, Camerounais,...).
"Libreville, Port-Gentil, Franceville, Oyem ont perdu leurs réputations de villes remuantes, grouillantes, bref de villes de noceurs et d'ambianceurs", constatait mercredi le quotidien national l'Union dans son billet d'humeur, "Makaya".
Dans ses vœux aux Gabonais pour la nouvelle année, le président Ali Bongo Ondimba, dont la réélection contestée en août a provoqué des émeutes meurtrières et des pillages massifs, a lui-même relevé cet état de fait: "Nombre de nos compatriotes ont ressenti très durement les contrecoups de la crise économique mondiale. De nombreux emplois ont été perdus dans le secteur du pétrole notamment".
- Appels au boycott -
Et depuis des mois, les mouvements de grève se succèdent, dans la fonction publique notamment (enseignement, justice...), sur fond de revendications sociales, mais aussi politiques.
Près de six mois après le scrutin présidentiel, le blocage est total entre le pouvoir et l'opposition emmenée par Jean Ping qui se considère comme le vainqueur de l'élection et appelle les Gabonais à la "résistance contre l'obscurantisme et la dictature".
Des journaux d'opposition appellent eux régulièrement au boycott de la CAN, ou à utiliser le tournoi comme une caisse de résonance pour leurs idées.
Encore traumatisés par les violences post-électorales, certains Gabonais redoutent dans ce contexte des incidents en marge des matches, notamment à Port-Gentil, ville traditionnellement frondeuse, et à Oyem.
Le chef de l'Etat tente de calmer le jeu en réitérant sa promesse "d'un dialogue politique qui s'ouvrira au lendemain de la Coupe d'Afrique des Nations 2017". Jusqu'à présent, M. Ping, qui a lui-même organisé son propre "dialogue" en décembre, refuse une telle éventualité.
Constatant que "2016 a été une année difficile du fait d'une campagne électorale marquée par des discours de haine et par une situation post-électorale qui a atteint des niveaux de tension inacceptable pour notre peuple", le chef de l'Etat -grand amateur de football- veut voir dans la CAN une parenthèse. Que "ces moments soient des occasions de joie, de cohésion et de bonheur partagés", insiste-t-il. Et de demander à ses compatriotes de soutenir l'équipe nationale, les Panthères du Gabon, emmenée par la star du Borussia Dortmund Pierre-Emerick Aubameyang.
Mais jusqu'à présent le spleen ambiant prévaut. "On n'a pas la tête au ballon", résume Stéphane Mba, trentenaire librevillois au chômage.
Avec AFP