Cancer de la thyroïde : la propagation observée dans les pays développés due à un dépistage excessif

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Dans une étude publiée dans la revue The New England Journal of Medicine, le Centre international de la recherche sur le cancer (CIRC/IARC) basé à Lyon évalue à plus de 470.000 femmes et 90.000 hommes les personnes qui pourraient avoir fait l'objet d'un surdiagnostic de cancer de la thyroïde en l'espace de 20 ans dans 12 pays développés (Australie, Danemark, Angleterre, Finlande, France, Italie, Japon, Norvège, République de Corée, Ecosse, Suède et Etats-Unis).

Le surdiagnostic consiste à diagnostiquer des cancers peu susceptibles de provoquer des symptômes au cours de la vie d'une personne ou de provoquer sa mort.

"Des pays comme les Etats-Unis, l'Italie et la France ont été les plus touchées par le surdiagnostic du cancer de la thyroïde depuis les années 1980, après l'introduction des échographies, mais l'exemple le plus récent et le plus frappant est la République de Corée", explique le Dr Salvatore Vaccarella, qui a dirigé l'étude de l'IARC.

Il précise que quelques années à peine après l'introduction de l'échographie dans le cadre d'un dépistage organisé pour plusieurs types de cancers, le cancer de la thyroïde est devenu "le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les femmes en République de Corée (Corée du sud), avec environ 90% des cas observés entre 2003-2007 qui pourraient relever du surdiagnostic".

Dans des pays comme l'Australie, la France, l'Italie ou les Etats-Unis, le surdiagnostic est évalué entre 70 et 80% par les chercheurs de l'IARC, contre 50% au Japon et dans les pays nordiques.

Pourtant, note le Dr Silvia Franceschi, l'un des auteurs de l'étude, "la majorité des cancers surdiagnostiqués ont été traités par des ablations complètes de la thyroïde, souvent associées à d'autres traitements nocifs comme l'ablation des ganglions du cou ou la radiothérapie, sans bénéfices prouvés en terme d'amélioration de la survie".

Des spécialistes tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs années face au dépistage excessif et au surtraitement de certains cancers de la thyroïde à faible risque de progression. Dans un article paru en 2013 dans la revue British Medical Journal, des experts soulignaient déjà que les cancers dépistés étaient de plus en plus petits (jusqu'à 2 mm) grâce aux nouvelles techniques d'imagerie.

La plupart de ces tumeurs sont des micro-cancers de type papillaire, dont le pronostic est particulièrement bon, avec une survie proche de 99% à 20 ans et qui pourraient, selon eux, faire l'objet d'une surveillance rapprochée et non de traitements agressifs d'emblée.

Certains experts ont même préconisé de débaptiser ces microcancers afin de dédramatiser le diagnostic et permettre aux patients qui le souhaitent d'opter pour une simple surveillance.

"Il est crucial d'avoir plus de données de recherche pour évaluer les meilleures approches face à l'épidémie de cancers de la thyroïde et éviter des préjudices inutiles pour les patients" relève de son côté le Dr Christopher Wild, directeur de l'IARC.

Avec AFP