Les chiffres de la participation auraient été "manipulés" au Venezuela

Des Vénézueliens attentent pour aller voter à Caracas, Venezuela, le 30 juillet 2017.

Peu avant les débuts au Venezuela de la très contestée Assemblée constituante, voulue par le président socialiste Nicolas Maduro mais rejetée par l'opposition, l'entreprise informatique chargée du vote a annoncé que les chiffres de participation à l'élection avaient été "manipulés".

"En se basant sur la robustesse de notre méthode, nous savons, sans le moindre doute, que (les chiffres de) la participation à l'élection d'une Assemblée Constituante Nationale ont été manipulés", a déclaré Antonio Mugicala, le PDG de l'entreprise britannique SmartMatic basée à Londres, en charge des opérations de vote.

Il a estimé que "la différence entre la participation réelle et celle annoncée par les autorités est d'au moins un million de votes".

Selon les autorités, plus de huit millions d'électeurs, soit 41,5% du corps électoral, ont participé à l'élection de dimanche. Plus que les 7,6 millions de voix réunies par l'opposition le 16 juillet, lors d'un référendum contre le projet de Constituante. Chaque camp conteste les chiffres de l'autre.

Le Venezuela est au bord de l'effondrement économique et 80% des Vénézuéliens désapprouvent la gestion du président, selon l'institut de sondages Datanalisis.

L'opposition vénézuélienne se prépare à manifester jeudi contre l'installation prévue de l'Assemblée constituante, alors que les 545 membres devaient prêter serment devant le chef de l'Etat mercredi, a annoncé la présidence.

Le pouvoir a assuré que l'Assemblée constituante élue dimanche débuterait ses travaux de manière imminente, sans toutefois confirmer de date précise.

Une marche "se déroulera jeudi, jour où la dictature a l'intention d'+installer+ la fraude", a annoncé mardi soir le député d'opposition Freddy Guevara sur Twitter.

Les leaders antichavistes (du nom de Hugo Chavez, président de 1999 à son décès en 2013) dénoncent le caractère "illégitime" à leurs yeux de ce "super pouvoir" qui pilotera le Venezuela pour une durée indéterminée.

Laissant présager une situation particulièrement tendue lors des débuts de la Constituante, Julio Borges, le président du Parlement, où l'opposition est majoritaire, a annoncé que le pouvoir législatif continuerait de siéger malgré tout. Une séance était d'ailleurs prévue mercredi matin.

La Constituante doit débuter ses travaux dans un contexte de tensions avec les Etats-Unis, renforcé par les nombreuses condamnations internationales après l'arrestation dans la nuit de lundi à mardi de deux des figures de l'opposition.

Leopoldo Lopez, 46 ans, fondateur du parti Voluntad Popular (Volonté populaire, droite), et le maire de Caracas Antonio Ledezma, 62 ans, ont été arrêtés en pleine nuit chez eux, selon des vidéos relayées sur internet. Tous deux avaient déjà été emprisonnés et avaient récemment été assignés à résidence.

'Fraude'

Le président américain Donald Trump a tenu "personnellement responsable" son homologue vénézuélien du traitement des deux opposants, condamnant "les actions de la dictature Maduro".

"Je l'avais dit : qu'il pleuve ou qu'il vente, le projet d'Assemblée constituante continue. Dans les prochaines heures, elle commencera à exercer son pouvoir absolu", a déclaré le président Maduro, qui s'est vu imposer des sanctions financières par Washington. Il s'agit notamment du "gel" de "tous les avoirs" que possèderait le dirigeant vénézuélien aux Etats-Unis.

La Constituante se situe au-dessus de tous les pouvoirs, y compris du chef de l'Etat, et doit rédiger une nouvelle Constitution. Elle doit apporter la "paix" et permettre au pays de se redresser économiquement, selon le chef de l'Etat.

L'opposition, qui contrôle le Parlement depuis 2016, a boycotté le scrutin en dénonçant une "fraude" visant à prolonger le pouvoir de M. Maduro, dont le mandat s'achève en 2019.

Outre les Etats-Unis, de nombreuses voix se sont élevées contre l'interpellation des deux chefs de l'opposition, dont celle de l'UE qui étudie la possibilité de sanctions - un gel de leurs avoirs et une interdiction de voyager dans l'UE - à l'encontre "des membres du gouvernement vénézuélien", y compris M. Maduro "et son entourage", selon le président du Parlement européen, Antonio Tajani.

De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé les autorités "à faire tous les efforts possibles pour réduire les tensions" dans ce pays pétrolier au bord de l'abîme.

Dimanche, opposants et forces de l'ordre s'étaient affrontés à Caracas et dans d'autres villes lors de batailles rangées. Plus de 120 personnes au total ont été tuées en quatre mois de manifestations anti-Maduro. Selon l'ONG Foro Penal, le Venezuela compte quelque 490 "prisonniers politiques".

Avec AFP