Un vent de panique a continué à emporter les Bourses mondiales vendredi, la défiance gagnant des investisseurs affolés des conséquences potentiellement ravageuses pour l'économie mondiale de l'épidémie de coronavirus.
Les marchés asiatiques ont encore durement accusé le coup vendredi, entraînant dans leur sillage les places européennes. Les pertes enregistrées par les grands indices boursiers européens depuis vendredi dernier, autour de 12%-13%, sont les plus importantes depuis la crise financière de 2008-2009, où l'économie mondiale était entrée en récession.
A la clôture vendredi, Paris était en recul de 3,38%, Londres de 3,18%, Francfort de 3,86%, Madrid de 2,92% et Amsterdam de 3,68%.
Si l'on prend comme point de départ les plus hauts auxquels se situaient encore les marchés il y a une semaine, "arriver à plus de 10% de baisse en moins de six jours, cela n'est jamais arrivé depuis 1946", rappelle à l'AFP Wilfrid Galand, directeur stratégiste de Montpensier Finance.
Les marchés américains ont eux nettement accéléré à la baisse jeudi soir, en raison des craintes que les Etats-Unis soient à leur tour touchés, et la défiance se poursuivait ce vendredi, le Dow Jones chutant de 2,70%, le Nasdaq de 1,39% et l'indice élargi S&P 500 de 2,24%, vers 17H20 GMT.
D'autres signes font craindre le pire, comme le niveau de l'indice de volatilité VIX (ou "indice de la peur"), au plus haut depuis 2011, année où sévissait une crise de la dette publique dans la zone euro.
Lire aussi : Bourse: le coronavirus fait perdre plus de 1.000 points au Dow Jones"La rapidité, la puissance de cette chute a surpris beaucoup de monde", juge encore M. Galand, alors que jusqu'ici, les marchés étaient plutôt sereins, confortés par une certaine reprise économique, l'action des banques centrales, la signature de l'accord commercial sino-américain ou encore des résultats d'entreprises "bien supérieurs à ce qu'on attendait".
"Ce qui est aujourd'hui acquis et certain, c'est que nous sommes sur un choc économique. Nous savons que cela va induire une révision à la baisse des bénéfices des sociétés pour l'année 2020, qui va être plombée", précise à l'AFP Christian Parisot, chef économiste du courtier Aurel BGC.
De l'avis de plusieurs analystes, c'est moins la gravité sanitaire de l'épidémie en tant que telle qui inquiète que les mesures prises pour la contenir, particulièrement dommageables pour l'économie mondiale.
- "Scénario beaucoup plus noir ?" -
Désormais, "la vraie question est de savoir si ce choc économique est ponctuel avec un redémarrage ou si l'on a véritablement l'enclenchement d'un scénario beaucoup plus noir", ajoute M. Parisot.
Si la Chine était jusqu'à peu l'unique foyer mondial de coronavirus, le risque s'est démultiplié avec l'émergence de nouveaux pays-sources comme la Corée du Sud, l'Iran et l'Italie. De premiers cas ont encore fait leur apparition vendredi aux Pays-Bas, au Nigeria et en Nouvelle-Zélande.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé vendredi avoir porté à "très élevé" le niveau de la menace liée au nouveau coronavirus, qui a contaminé quelque 79.000 personnes en Chine et plus de 5.000 dans le reste du monde.
Lire aussi : Le coronavirus fait chavirer la Bourse de Paris (-3,94%)Les ministres de la Santé de l'UE doivent se réunir à Bruxelles le 6 mars "pour discuter des mesures concernant le coronavirus", a indiqué vendredi un porte-parole du Conseil européen sur Twitter.
Dans ce contexte d'aversion aiguë au risque, les investisseurs se tournent vers les valeurs refuge, au premier rang desquelles les obligations d'Etat allemande et américaine à dix ans: la première affiche un taux au plus bas depuis début septembre, la seconde à son plancher historique.
Désormais, "le vrai point d'interrogation est de savoir quelle va être l'attitude des autorités aux Etats-Unis" car en cas d'explosion du nombre de cas outre-Atlantique, il sera "quand même compliqué de tenir les marchés", pour M. Galand.
Mais le spectre de la crise financière de 2008 reste encore loin. Cette épidémie a un "coût peut-être plus élevé qu'on ne l'estimait et cela justifie que les marchés s'ajustent" mais tout cela reste encore "quantifiable", relativise M. Parisot. "Je ne crois pas au risque de crise (financière), je pense que les banquiers centraux vont faire en sorte qu'on n'arrive pas à ce scénario."
La Banque centrale américaine (Fed) a néanmoins indiqué vendredi qu'elle ne privilégiait pas à ce stade le scénario d'une baisse des taux dans l'urgence.
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