Visiblement furieux contre cette "résistance silencieuse" qui sort de l'ombre et le place en difficulté, le locataire de la Maison Blanche est allé jusqu'à parler, dans un tweet lapidaire, de "TRAHISON".
Dans une incroyable tournure des événements témoignant d'une forme de fébrilité, le magnat de l'immobilier a appelé le quotidien à dénoncer "immédiatement" ce "lâche", au nom de la sécurité nationale.
L'auteur de ce texte hors du commun, intitulé "Je fais partie de la résistance au sein de l'administration Trump", souligne qu'il ne s'agit pas pour lui de soutenir la démarche des démocrates, mais de protéger son pays contre le comportement de son 45e président.
La publication --controversée-- de ce témoignage intervient au lendemain de la diffusion d'extraits d'un livre explosif du journaliste d'investigation Bob Woodward, qui dresse le portrait d'un président colérique et paranoïaque que ses collaborateurs s'efforcent de contrôler, voire de contourner, pour éviter de dangereux dérapages.
"Nous pensons que nous avons d'abord un devoir envers notre pays et que le président continue à agir d'une façon néfaste à la bonne santé de notre république", écrit le responsable anonyme.
"C'est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés à faire ce que nous pouvons pour préserver nos institutions démocratiques tout en contrecarrant les impulsions les plus malencontreuses de M. Trump jusqu'à ce qu'il ait quitté son poste", ajoute-t-il.
"Le coeur du problème est l'amoralité du président", poursuit-il.
Lire aussi : Woodward dresse un tableau accablant de la Maison Blanche sous TrumpEstimant que l'administration a engrangé un certain nombre d'avancées depuis son élection --déréglementation, réforme fiscale, renforcement de l'armée--, il juge que ces dernières ont été obtenues "en dépit de et non grâce" à Donald Trump, dont il qualifie le style de leadership de "mesquin", "impétueux" et "inefficace".
Qui est l'auteur mystérieux? Le Tout-Washington était engagé mercredi soir dans un véritable jeu de piste, en quête d'indices dans ce véritable brûlot pour révéler l'identité du "résistant".
Le New York Times explique avoir pris la décision rare de publier une tribune anonyme à la demande de son auteur, dont le quotidien connaît l'identité.
"Nous pensons que publier cet essai est le seul moyen de permettre à nos lecteurs de prendre connaissance d'un point de vue important", a expliqué le journal.
L'ancien chef de la diplomatie américaine John Kerry a évoqué, sur CNN, une "véritable crise constitutionnelle".
La porte-parole la Maison Blanche, Sarah Sanders, s'est elle dite "déçue mais pas surprise" par la décision du quotidien de publier le texte, dénonçant une tribune "pathétique, irréfléchie et égoïste".
"Près de 62 millions de personnes ont voté pour le président Donald J. Trump en 2016 (...) Aucune d'entre elles n'a voté pour une source lâche et anonyme du New York Times en faillite", a-t-elle ajouté, reprenant à son compte une expression fréquemment utilisée par le président américain.
Selon elle, l'auteur de ce texte "fait passer son ego avant la volonté du peuple américain". "Ce lâche devrait faire la seule chose qui s'impose et démissionner", a-t-elle conclu.
La publication de ce texte a suscité la stupeur et de nombreuses interrogations, parfois aussi de vives critiques, au sein des rédactions des grands journaux américains et au sein même du New York Times.
"En clair, les journalistes du New York Times doivent maintenant essayer de déterminer l'identité d'un auteur dont nos collègues de la rubrique Opinion se sont engagés à protéger l'anonymat?", s'est ainsi interrogée sur Twitter Jodi Kantor, journaliste d'investigation au New York Times.
"Ou est-ce que le journal dans son ensemble est tenu par cette promesse d'anonymat?", a-t-elle ajouté. "Je ne pense pas, mais c'est fascinant", a-t-elle encore écrit, évoquant une démarche probablement "sans précédent".
Avec AFP