Une commission parlementaire brésilienne recommande la destitution de Dilma Rousseff

La presidente brésielienne Dilma Rousseff le 5 avril 2016. (Reuters/Adriano Machado)

Une commission parlementaire a recommandé lundi la destitution de Dilma Rousseff, infligeant à la présidente brésilienne un revers attendu mais inquiétant à quelques jours du vote crucial de l'assemblée plénière des députés.

Formée de 65 députés, la commission spéciale sur l'impeachment de l'impopulaire dirigeante de gauche a approuvé à la majorité de ses membres un rapport non contraignant préconisant aux députés de voter la poursuite du processus de destitution devant le Sénat, qui aurait le dernier mot.

Au terme d'une séance houleuse de 11 heures ponctuée d'invectives et d'insultes, 38 députés de cette commission ont voté pour la poursuite du processus de destitution, et 27 contre.

"Putschistes !" hurlaient les députés de gauche à l'adresse de ceux de l'opposition de droite qui vociféraient en retour "Dehors Dilma !" ou entonnaient l'hymne national à gorge déployée.

Certains agitaient des petites poupées gonflables représentant en tenue à rayures de prisonnier l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), mentor politique de Mme Rousseff soupçonné de corruption dans le cadre du scandale Petrobras.

Le rapport de la commission spéciale sera soumis à partir de vendredi à la Chambre des députés, dont le vote pourrait intervenir dimanche ou lundi prochains.

Un vote de deux tiers des députés (342 sur 513) sera requis pour que la procédure se poursuive, faute de quoi elle serait définitivement enterrée.

Si la procédure franchit ce cap, le Sénat devra approuver ou non à la majorité simple la mise en accusation de la présidente, qui serait alors écartée du pouvoir pendant un délai maximum de 180 jours, en attendant un vote définitif sur sa destitution nécessitant les deux tiers des suffrages des sénateurs.

En cas de destitution, c'est le vice-président Michel Temer, 75 ans, qui assurerait la présidence par intérim jusqu'à la fin de son mandat en 2018.

Un gag incroyable impliquant M. Temer a fortement envenimé les débats déjà explosifs des députés: le vice-président a reconnu avoir fait fuiter par mégarde dans l'après-midi un discours qu'il avait enregistré sur son portable et dans lequel il tenait un discours rassembleur au cas où il succèderait à Mme Rousseff.

- 'Plus grand traître' -

"Je confesse qu'après, quand j'ai voulu envoyer l'enregistrement à un ami, c'est parti à un groupe et le message s'est diffusé", a reconnu piteusement cet homme d'appareil discret de 75 ans, qui a poussé récemment sa formation, le grand parti centriste PMDB, à claquer la porte de la coalition de la présidente Rousseff.

Temer "est le plus grand traître de l'histoire du Brésil, un grand simulateur", a réagi avec fureur en pleine séance le député Silvio Costa du Parti des travailleurs au pouvoir (PT).

Mme Rousseff, 68 ans, est accusée par l'opposition de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015, pour minimiser l'ampleur des déficits publics du géant émergent d'Amérique latine en pleine récession.

Cette ex-guérillera torturée sous la dictature militaire se défend d'avoir commis un quelconque "crime de responsabilité" justifiant sa destitution, et dénonce une tentative de "coup d'État institutionnel".

Si elle prospère, la procédure de destitution "restera dans l'Histoire comme le coup d'Etat d'avril 2016", avait lancé dans la matinée devant la commission l'avocat général du gouvernement, José Eduardo Cardozo, ancien ministre de la Justice de Mme Rousseff.

Ni le camp présidentiel ni l'opposition n'ont pour le moment la garantie d'obtenir les votes suffisants pour faire avorter ou fructifier la procédure de destitution.

Selon un décompte effectué chaque jour par le quotidien Estado de Sao Paulo, 290 députés étaient favorables dimanche à la destitution, 115 contre, 61 indécis et 47 ne voulaient pas se prononcer.

L'ex-président Lula dirige depuis un hôtel de Brasilia d'intenses négociations pour convaincre des partis de centre-droit de voter contre la destitution, en leur promettant des ministères ou des postes dans la grosse machine gouvernementale brésilienne.

Lula a été ovationné lundi soir à Rio de Janeiro où il a participé a un événement contre "le coup d'Etat de velours", organisé par le célèbre chanteur-compositeur et écrivain brésilien Chico Buarque.

"Olé olé ola, Lula, Lula !" et "Lula, guerrier du peuple brésilien !", l'ont acclamé à son arrivée des centaines de personnes.

- Grillages à Brasilia -

La nomination mi-mars au gouvernement de Lula comme chef de cabinet (quasi-Premier ministre) a été suspendue par la justice en attendant une décision finale du Tribunal suprême fédéral le 20 avril.

Jeudi dernier, le procureur général Rodrigo Janot a recommandé au STF d'annuler l'entrée de Lula au gouvernement, estimant qu'il s'agissait d'un subterfuge pour le faire échapper à la justice ordinaire.

Lula conserve l'espoir d'entrer au gouvernement, dont il deviendrait l'homme fort, en vue d'une possible candidature à la présidentielle de 2018.

Selon un sondage publié ce weekend par l'institut Datafolha, il arriverait en tête du premier tour d'une élection présidentielle avec 21% des suffrages, suivi de près par d'autres candidats, malgré ses déboires judiciaires dans le dossier Petrobras.

Des grillages de deux mètres de hauteur ont été installés dimanche devant le Congrès pour séparer manifestants pro et anti-impeachment le week-end prochain.

Avec AFP