Sur les réseaux sociaux, les messages appelant la jeunesse à se retrouver le 20 octobre pour "honorer la mémoire des victimes" dans les grandes villes du sud du pays, à Abuja, Lagos ou encore Port Harcourt, ont été partagés des dizaines de milliers de fois depuis mardi.
"Des citoyens nigérians innocents qui agitaient des drapeaux et chantaient se sont fait tirer dessus, ont été blessés et été tués. Nous ne devons jamais oublier", a écrit mardi le chanteur nigérian Falz, également figure du mouvement, suivi par plus de 8 millions d'utilisateurs sur Instagram.
"Nous allons défiler avec nos voitures en traversant le péage. Nous connaissons leur méthode, une procession de voitures est donc l'option la plus sûre pour minimiser le harcèlement de la police", a ajouté la célébrité.
Les autorités ont mis en garde les citoyens nigérians ces dernières semaines contre de nouvelles manifestations organisées au nom de #Endsars, affirmant que ces dernières avaient dégénéré l'an passé en émeutes et pillages.
En amont du rassemblement mercredi, l'avocate Moe Odele a affirmé sur Twitter avoir recontacté tous les avocats qui s'étaient portés volontaires pour faire libérer les manifestants arrêtés lors du mouvement, pour leur demander "de se tenir prêts".
Un important dispositif des forces de sécurité est attendu mercredi à Lagos, et notamment au péage de Lekki, où des unités de police stationnent depuis déjà plusieurs nuits, selon plusieurs témoins.
Des manifestations dans plusieurs villes
A Lagos, la bouillonnante capitale économique, les citoyens ont prévu de défiler mercredi matin à bord de leur véhicule en traversant avec des drapeaux le péage de Lekki, lieu emblématique de la contestation, où l'armée et la police avaient ouvert le feu le 20 octobre 2020, causant la mort d'au moins 10 personnes et mettant ainsi fin au mouvement.
Dans la capitale fédérale, Abuja, un rassemblement est prévu autour de la fontaine de l'Unité, autre lieu emblématique de la contestation, où des casseurs armés de gourdins et de machettes avaient agressé des manifestants l'an passé.
Dans d'autres villes du Sud, comme Port Harcourt ou Nsukka, des marches en hommage aux victimes sont prévues en fin de soirée.
Le mouvement #EndSARS ("en finir avec la SARS") avait initialement débuté la première semaine d'octobre 2020 pour dénoncer les brutalités de la SARS, une unité spéciale de la police accusée depuis des années de racketter la population, d'arrestations illégales, de torture et même de meurtre.
A quelques kilomètres seulement, le chef de l'Etat Muhammadu Buhari doit recevoir au palais présidentiel son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, qui effectue une visite officielle dans le pays le plus peuplé d'Afrique.
Face à la pression populaire, les autorités avaient démantelé l'unité, et promis de réformer la police, mais la jeunesse, peu convaincue par les promesses du gouvernement, avait continué sa contestation.
Lire aussi : Des Nigérians demandent le démantèlement d'une unité spéciale de policeLa répression des manifestations, notamment le 20 octobre à Lekki, avait ensuite été suivie par une semaine de pillages et de violences.
Une Commission de justice spéciale avait ensuite été mise en place par l'Etat de Lagos pour enquêter sur les accusations de brutalités policières et sur la répression des manifestations.
Devant cette commission, l'armée avait affirmé n'avoir eu recours qu'à des balles à blanc, puis avait admis que ses soldats disposaient également de balles réelles. Ses responsables ont ensuite cessé de s'y présenter en dépit de plusieurs convocations.
La commission, qui a achevé ses consultations publiques lundi, doit prochainement communiquer au gouvernement les résultats de son enquête et des recommandations.
Selon Amnesty International, au moins 56 personnes ont été tuées dans tout le pays durant les semaines de contestation #Endsars.
La police avait indiqué que 51 civils et 22 policiers avaient été tués à la suite des manifestations, tandis que 205 postes de police et autres bâtiments avaient été incendiés ou vandalisés.
En février, quelques dizaines de manifestants avaient tenté de se rassembler au péage de Lekki pour demander justice pour les victimes de la répression, dont les responsables n'ont toujours pas été poursuivis.
Sous les objectifs des journalistes, ils avaient tous été arrêtés, sans exception.
Les victimes de #Endsars
Parmi les victimes se trouve Pelumi Onifade, un journaliste de 20 ans de Gboah TV, basé à Lagos,retrouvé mort dans une morgue quelques jours suite a son arrestation, après avoir couvert les manifestations #EndSARS.
Le 20 octobre 2020, la vidéo du président du Yoruba Youth Forum, Abiodun Bolarinwa, tirant pour disperser des manifestants non armés à Abule Egba, était en ligne, devenant virale, et provoquant un tollé à la suite de la manifestation #EndSARS.
Pelumi et son collègue qui effectuaient un stage en tant que personnel des médias pour Gboah TV auraient capturé l'incident et l'auraient publié.
Quelques jours après la fusillade, Pelumi était de nouveau en service officiel dans le quartier d'Oko Oba à Agege, où il a ensuite été arrêté et emmené par le groupe de travail de l'État de Lagos.
Son collègue, qui avait réussi à s'échapper a rapporté que Pelumi avait été blessé quelques instants avant son arrestation par les agents envoyés dans la région pour faire face aux troubles causés par des voyous.
Pelumi serait décédé en garde à vue des suites aux blessures et son corps avait été déposé à la morgue sans que la nouvelle de sa mort ne soit communiquée aux membres de sa famille.
La famille du jeune homme a demandé justice au gouvernement de l'État de Lagos, à l'inspecteur général de la police et au commissaire de police de l'État pour le meurtre de leur fils.
L'oncle du défunt a demandé une enquête sur les circonstances de sa mort, exhortant l'inspecteur général de la police, Mohammad Adamu, et le commissaire de police de l'État, Hakeem Odumosu, à veiller à ce que les policiers impliqués dans le meurtre d'Onifade soient traduits en justice livre.
Jimoh Isiaq, fut abattu samedi à Ogbomoso, dans l'État d'Oyo, au sud-ouest du Nigeria, par des policiers dispersant des manifestants #EndSARS.
On ne sait pas si Jimoh Isiaq faisait partie des jeunes Nigérians qui protestaient contre la brutalité policière avant d'être abattu. Il a été transporté d'urgence à l'hôpital où il est décédé alors qu'il recevait un traitement.
Mais des images partagées sur Twitter le montraient debout au bord de la route, à plusieurs mètres des policiers. Il n'était pas armé.