Coup d'Etat en Birmanie: ce que l'on sait

Un poste de contrôle militaire sur le chemin qui mène au palais du Congrès à Naypyitaw, au Myanmar, le 1er février 2021.

Le coup d'Etat organisé par l'armée birmane lundi intervient après des années de délicat partage du pouvoir entre le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi et les militaires très puissants dans le pays.

L'armée a arrêté tôt dans la matinée la prix Nobel de la Paix et le président Win Myint. Elle a proclamé l'état d'urgence pour un an et placé ses généraux aux principaux postes.

Les militaires affirment que les législatives de novembre, remportées massivement par la Ligue nationale pour la démocratie (LND, le parti d'Aung San Suu Kyi), sont entachées d'irrégularités, des allégations démenties par la commission électorale.

Voici ce que l'on sait.

Comment la crise a-t-elle commencé?

Depuis des semaines, l'armée n'a cessé de lancer des accusations d'irrégularités lors de ces élections, les deuxièmes depuis la fin de la dictature militaire en 2011.

La LND a remporté 83% des 476 sièges au Parlement, mais l'armée affirme avoir découvert plus de 10 millions de cas de fraude et demandé à la commission électorale de publier les listes pour vérification, ce que cette dernière n'a pas fait.

La semaine dernière, le porte-parole de l'armée n'avait pas exclu une reprise en main du pays par les militaires.

Les craintes avaient encore grandi après que le chef de l'armée, le général Min Aung Hlaing - déjà l'homme le plus puissant de Birmanie - avait déclaré que la Constitution pouvait être "révoquée" dans certaines circonstances.

Et maintenant?

L'armée a proclamé l'état d'urgence pour un an, promettant la tenue d'élections "multipartites, libres et équitables" à la fin de cette période. Elle a aussi placé ses généraux aux principaux postes.

Le général Myint Swe, qui dirigeait le commandement militaire de Rangoun et était vice-président de Birmanie, devient président par intérim, un poste largement honorifique.

Le contrôle "législatif, administratif et judiciaire" revient à Min Aung Hlaing, qui concentre désormais quasiment tous les pouvoirs.

Ce putsch, vivement condamné par la communauté internationale, n'est pas une première: depuis son indépendance en 1948, la Birmanie a été gouverné par des régimes militaires pendant près de 50 ans. Deux coups d'Etat ont déjà eu lieu en 1962 et 1988.

Comment va réagir la population? Agée de 75 ans, Aung San Suu Kyi, très critiquée à l'international pour sa gestion de la crise des musulmans rohingyas (des centaines de milliers d'entre eux ont fui en 2017 les exactions de l'armée et se sont réfugiés au Bangladesh voisin) reste toujours adulée par une majorité de Birmans.

Un portrait d'Aung San Suu Kyi est brandi lors d'une manifestation devant l'ambassade du Myanmar à Bangkok, en Thaïlande, le 1er février 2021.

Pressentant ce putsch militaire, celle qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1991 et a passé 15 ans de son existence en résidence surveillée dans son pays a laissé un message à la population, l'exhortant à "ne pas accepter" la prise de pouvoir des militaires.

Que dit la Constitution ?

La Constitution actuelle a été rédigée en 2008 par la junte, avant sa dissolution trois ans plus tard.

Elle accorde aux militaires le contrôle de trois grands ministères - l'Intérieur, la Défense et les Affaires frontalières - garantissant à l'institution d'avoir en partie la main sur la politique birmane.

Tout changement nécessite le soutien de l'armée qui contrôle aussi un quart des sièges du Parlement.

Ce texte contient également un article interdisant aux citoyens mariés à des étrangers de devenir président, ce qui, selon les analystes, a été écrit pour empêcher Aung San Suu Kyi, mariée à un Britannique aujourd'hui décédé, d'accéder au poste.

Depuis la victoire de son parti en 2015, la "Dame de Rangoun" assumait le rôle de "conseiller d'Etat", un poste crée sur mesure qui lui assurait la direction de facto du gouvernement civil.

L'armée avait tout fait pour empêcher la prix Nobel d'accéder au pouvoir, mais elle n'avait pas prévu cette faille, estime le politologue Soe Myint Aung. Les militaires étaient profondément mécontents d'avoir "perdu un contrôle significatif sur le processus politique", selon lui.

Le gouvernement d'Aung San Suu Kyi a tenté à plusieurs reprises d'amender la Constitution, sans grand succès.

De récents commentaires de Min Aung Hlaing sur son abrogation seront suivis de près par les observateurs.