"Nous nous rendions jusqu'à la RTI mais nous n'avons pas pu atteindre cet endroit car on nous a tiré dessus", a affirmé le témoin protégé P-547, évoquant la marche du 16 décembre 2010 vers les bâtiments de la télévision ivoirienne à Abidjan.
Selon l'accusation, les forces sous le contrôle de Laurent Gbagbo ont ouvert le feu sur cette marche de partisans non-armés, provoquant la mort d'au moins 45 personnes. Ils auraient également violé 16 femmes et blessé 54 personnes, assure le procureur.
Le témoin, dont l'identité est protégée grâce à une déformation de sa voix et à une pixellisation de l'image, a été blessé à la jambe :"j'ai vu que l'os sortait".
Laurent Gbagbo et le chef de milice Charles Blé Goudé comparaissent devant la Cour pénale internationale de La Haye pour leurs rôles présumés dans la crise née du refus de l'ex-chef de l'Etat de céder le pouvoir à Alassane Ouattara, reconnu vainqueur par la France, les Etats-Unis et l'Union européenne de la présidentielle de fin 2010.
Les violences avaient fait plus de 3.000 morts en cinq mois, des deux côtés du conflit, transformant en champ de bataille certaines zones du premier producteur mondial de cacao, moteur économique de l'Afrique de l'Ouest.
M. Blé Goudé et son mentor sont accusés de quatre chefs de crimes contre l'humanité: meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains, présumés commis notamment par l'armée, la police et des milices de jeunes pro-Gbagbo.
"Ceux que j'ai vu tirer, ce sont les gendarmes", a affirmé le témoin dans sa langue natale, le dioula. "Je ne suis qu'un civil, je ne suis pas un militaire, nous étions de simples marcheurs".
A l'époque chauffeur de camions, ce musulman avait "depuis 10 ans" sa carte du RDR, le parti d'Alassane Ouattara.
Des gendarmes ont ensuite emmené des manifestants, a-t-il ajouté : "ils m'ont demandé pourquoi j'étais là, j'ai répondu que c'était pour la justice". Il dit avoir été battu avant d'être emmené dans un hôpital par la Croix-Rouge.
Le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé s'est ouvert jeudi passé avec les déclarations liminaires. L'accusation avait affirmé que l'ancien président s'était accroché au pouvoir "par tous les moyens" tandis que les deux accusés assurent être "des hommes de paix".
Bien que le procureur a promis d'intensifier ses efforts et appelé à la patience, aucun membre du camp Ouattara n'a encore été inquiété par la CPI, ce qui lui vaut parfois d'être taxée de "justice des vainqueurs".
Laurent Gbagbo, dont la santé est "fragile", selon ses avocats, avait été livré à la CPI en 2011. Charles Blé Goudé l'avait été en 2014.
Avec AFP