L'ANC, parti historique au pouvoir en Afrique du Sud, a suspendu son secrétaire général Ace Magashule, accusé de corruption.
"Vous êtes, par la présente, suspendu temporairement à partir du 3 mai 2021 jusqu'à l'issue finale de votre procédure judiciaire", a informé Jessie Duarte, secrétaire générale adjointe du Congrès national africain.
Mais Magashule, premier haut responsable du parti à être mis à l'écart dans le sillage de la nouvelle politique anticorruption de l'ANC, a assuré qu'il n'irait nulle part.
Au lieu de se retirer, il a plutôt sommé à son tour le président Cyril Ramaphosa de temporairement quitter ses fonctions, invoquant pour ce faire ses pouvoirs en tant que secrétaire général du parti.
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Fin mars, Ace Magashule, 61 ans, avait reçu un ultimatum de trente jours pour se retirer après avoir été accusé de détournement de fonds publics alors qu'il était premier ministre de l'Etat libre, une des neuf provinces d'Afrique du Sud.
Le politicien a refusé de démissionner, contraignant le parti à le suspendre.
Le Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela, empêtré jusqu'au cou dans des affaires de corruption depuis plusieurs années, cherche à se refaire une virginité face à des électeurs écœurés.
Mais les soutiens internes d'Elias Magashule, surnommé "Ace", sont nombreux, notamment parmi les partisans de l'ancien président Jacob Zuma.
"C'est le premier signe vraiment fort que l'ANC est prêt à faire le ménage dans ses rangs. Il lui reste un sacré chemin à parcourir mais c'est une condition préalable absolue pour s'attaquer à la corruption", s'est réjoui David Lewis, directeur de l'ONG Corruption Watch.
"L'Oncle Cyril", comme le surnomment les Sud-Africains en raison de sa bonhomie et sa bonne volonté apparente, a semblé longtemps isolé dans ce bras de fer avec l'inoxydable sexagénaire, secrétaire général de l'ANC depuis 2017. Mais sa suspension, et le fait que suffisamment de dirigeants de l'ANC donnent leur aval pour la rendre possible, est une douceur pour le président qui a juré d'en finir avec le fléau de la corruption.
"C'est une victoire politique majeure pour le président", affirme à l'AFP Aleix Montana, chercheur à l'institut Verisk Maplecroft. Ace écarté, le président va pouvoir "renforcer son leadership sur le parti, lui donnant l'espace politique nécessaire pour mettre en œuvre ses réformes".
La mise à l'écart de Magashule représente "une consolidation du pouvoir du président Ramaphosa au sein de l'ANC" dans les luttes de factions actuelles, qui "nuisent à la gouvernance", entre son courant et celui de "l'ancien président Jacob Zuma et Ace Magashule d'autre part", analyse la Fondation De Klerk.
C'est aussi "une victoire pour l'ANC tout court", affirme à l'AFP le politologue Mcebisi Ndletyana, et "la démonstration que lorsque les citoyens s'expriment et se font entendre, ils peuvent faire bouger les lignes".
Règne "gangster"
Le parti avait donné à "Ace", sourcils froncés et perpétuel air renfrogné, crâne rasé et lunettes strictes, 30 jours pour partir de lui-même.
Mais l'ex-patron de l'ANC dans la province du Free State (Centre), accusé par une biographie explosive intitulée "Gangster State" d'y avoir régné en mafieux, a laissé passer la date butoir, la semaine dernière, forçant le parti à prendre ses responsabilités.
Sa suspension, qui lui a été signifiée par une lettre signée de son adjoint, Jessie Duarte, au nom de l'ANC, a pris effet lundi et court jusqu'à l'aboutissement de son procès, a-t-on appris mercredi lorsque cette lettre a fuité dans les médias.
Une réunion lundi de la direction du parti "a réaffirmé" sa décision prise fin mars d'imposer à tout membre poursuivi pénalement "pour corruption ou d'autres crimes graves" de démissionner ou de s'exposer à une suspension.
"Tu as été inculpé et convoqué à comparaître devant un tribunal pour corruption et fraudes, vols et blanchiment", rappelle cette lettre.
De nombreux internautes soulignaient que cette suspension ne privait par l'intéressé pour autant de son salaire, ce que la lettre confirme.
Actuellement en liberté sous caution, "Ace" sera jugé en août aux côtés d'une quinzaine de coaccusés, pour avoir notamment volé de l'argent public mis de côté en 2014 pour désamianter des logements sociaux, lorsqu'il était Premier ministre du Free State.
Les travaux n'ont jamais eu lieu: les enquêteurs estiment que l'équivalent de près de dix millions d'euros ont été empochés.