"Plus jamais des esclaves", ont-ils scandé en parcourant la plaine de Foggia, dans les Pouilles, où des milliers d'ouvriers agricoles africains mais aussi polonais, bulgares ou roumains passent l'été à ramasser les tomates sous un soleil de plomb.
Dans la chaleur et la poussière, des dizaines de manifestants ont marché pendant trois heures sur les petites routes défoncées de la région pour gagner Foggia, où d'autres les ont rejoints devant la préfecture.
Bien qu'ils soient quasiment tous en situation régulière - avec un permis de séjour ou une demande d'asile en cours d'examen -, les ramasseurs de tomates bénéficient rarement des conditions de travail et de rémunération requises par la loi et beaucoup sont contraints de loger dans des squats ou des bidonvilles en rase campagne.
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Si certains ont un contrat de travail, ils n'ont quasiment jamais de fiche de paie. Et beaucoup sont obligés de s'en remettre à des intermédiaires, souvent mafieux, pour se rendre sur les exploitations.
"Je travaille 8 à 10 heures par jour pour 30 euros, avec seulement 30 minutes de pause à midi, et je dois encore verser 5 euros chaque jour pour le transport", a dénoncé un Malien de 22 ans, dont la rémunération apparaît dans la moyenne des témoignages recueillis par l'AFP et par des associations.
En principe, le salaire minimum dans l'agriculture italienne s'élève à 48 euros brut pour des journées de 7 heures maximum.
Si les étés derniers ont été marqués par la mort de plusieurs ouvriers agricoles italiens ou étrangers dans les champs, cette semaine c'est la question du transport qui a fait la Une des journaux.
Samedi puis lundi, deux fourgonnettes qui ramenaient des ouvriers agricoles à la fin de la journée sont entrées en collision frontale avec des camions de tomates : bilan 16 morts et 4 blessés graves, tous d'Afrique noire à l'exception du conducteur marocain de la seconde fourgonnette.
"Le sang des Africains"
Mercredi matin, les manifestants arboraient des casquettes rouges, comme celles distribuées ces dernières semaines par des syndicats et des associations pour les protéger du soleil. L'une de ces casquettes a été retrouvée ensanglantée sur la chaussée après l'accident de samedi.
Beaucoup portaient aussi des caisses de tomates : "Tu sais combien coûtent les tomates italiennes? Le prix du sang des Africains", a lancé Kogyate Diakine, un Ivoirien de 41 ans installé en Italie depuis 12 ans.
"Nous sommes découragés et mal accueillis. Ici, nous ne sommes rien", a ajouté Barri Alfa, un autre Ivoirien arrivé il y a 15 ans.
La Coldiretti, le principal syndicat agricole, a pour sa part dénoncé les pressions du marché, expliquant que dans une bouteille de coulis de tomates vendue 1,30 euro dans les supermarchés italiens, la tomate représentait 8% du prix, contre 10% pour la bouteille, 18% pour le traitement industriel et 53% pour la distribution.
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Mardi, le ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini (extrême droite), venu rencontrer les autorités mais aussi des représentants des ouvriers agricoles, a promis une multiplication des contrôles.
"C'est un problème de mafia. Dans la province de Foggia, il y a une criminalité mafieuse que j'ai l'intention d'éradiquer rue par rue, village par village, par tous les moyens légaux", a-t-il prévenu.
Le procureur de Foggia, Ludovico Vaccaro, a confirmé à la presse que les enquêtes autour de la main-d'oeuvre agricole révélaient "parfois une gestion par des groupes mafieux" mais qu'il n'y avait "pour l'instant pas d'élément allant dans ce sens" dans l'enquête sur les deux accidents mortels.
Avec AFP