Dans un quartier déshérité de Gao, l'eau jaillit enfin d'un puits

Les habitants prennent l'eau du puits près de Gao, Mali, le 4 novembre 2017.

Turban fauve et noir, corsage blanc immaculé, bijoux dorés, Hawa Kanté s'est parée de ses plus beaux atours: dans le quartier le plus déshérité de Gao, habitants et autorités locales fêtent l'inauguration d'un puits. Un trésor inestimable pour cette communauté du Nord du Mali, privée d'accès à l'eau.

"Avant, je devais marcher 3 ou 4 kilomètres pour aller chercher de l'eau avec des bidons et faire la queue parfois toute la journée", raconte Hawa. "J'étais obligée d'emmener mes petits pour m'aider à transporter l'eau, ils n'allaient plus à l'école", confie cette mère de six enfants.

Derrière elle, les célébrations battent leur plein au pied du grand réservoir bleu pétrole, installé dans une rue parsemée de déchets plastique, où s'alignent de modestes maisons en torchis. Une nuée d'enfants du quartier chantent à tue-tête, drapeau malien en main, accompagnés d'un tam-tam.

Au beau milieu de la foule qui danse, une femme vient remplir deux seaux à l'un des six robinets à disposition. Au-delà des 6.000 résidents du quartier Tagoute de Gao, la ville principale du nord du Mali, à 1.200 km de Bamako, quelque 25.000 personnes habitant les alentours bénéficieront à l'avenir de cette installation flambant neuve.

"En 2015, un enfant de deux ans est mort ici par manque d'eau. C'est ce qui nous a motivés pour agir", raconte Boureima Keita, du mouvement local des Jeunes Patriotes.

"Plein de gens sont revenus à Gao après la crise (l'occupation de la ville en 2012 par les jihadistes, chassés l'année suivante par les forces armées françaises, ndlr). Les stocks d'eau étaient insuffisants, la situation était critique", explique-t-il.

Financé par Barkhane

Pendant des mois, les forces armées maliennes ravitaillent le quartier à l'aide camions-citernes, sans parvenir à couvrir les besoins. Le mouvement des Jeunes Patriotes sollicite alors les forces françaises de l'opération antijihadiste Barkhane, installés sur une base militaire aux abords de Gao, qui se saisissent du projet et débloquent un financement de 10.000 euros (15 millions de francs CFA).

Réalisé par une entreprise locale, le réservoir de 10 m3 dispose d'un système de pompage automatique qui fonctionne à l'énergie solaire, et va puiser à 80 mètres de fond.

"Nous avons une histoire commune avec le Mali, les relations entre la France et le Mali sont anciennes, elles n'ont pas commencé avec Barkhane", souligne le colonel français Arnaud Cervera, représentant à Gao du commandant de la force française au Sahel. Le Mali est une ancienne colonie française, devenue indépendante en 1960.

Don de médicaments, équipement d'écoles en ordinateurs... A Gao, ses hommes mènent régulièrement des actions civilo-militaires au bénéfice de la population.

Le centre et le nord du pays souffrent d'une grave pénurie d'eau, alertent régulièrement les ONG. Dans ces régions, où la crise de 2012 a provoqué la suspension des services de base, plus d'un Malien sur trois n'a pas accès à l'eau, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).

"Chez nous on dit +qui n'a pas d'eau ne peut pas vivre+. Aujourd'hui les femmes peuvent vaquer à leurs occupations et les enfants retourner à l'école, puisqu'ils ont de l'eau sous leurs pieds", se félicite Boureima Keita.

Avec AFP