Les Français ont massivement renoncé dimanche à se rendre aux urnes pour le premier tour des municipales, dans un pays frappé de plein fouet par le nouveau coronavirus et soumis à des mesures drastiques pour enrayer l'épidémie.
La tenue de ces élections, où quelque 47,7 millions d'électeurs sont appelés à élire leurs maires et conseils municipaux, apparaissait quelque peu surréaliste au lendemain de la quasi mise à l'arrêt du pays décidée par le gouvernement, et l'enjeu du scrutin a été totalement éclipsé par la crise sanitaire.
L'abstention est estimée entre 54 et 56% selon deux instituts de sondage, soit une très forte hausse par rapport aux municipales précédentes de 2014.
"Nous sommes en route pour perdre quasiment 20 points de participation par rapport à 2014. On devrait terminer vers 45/46% de participation", a estimé le directeur d'OpinionWay, Bruno Jeanbart.
Les électeurs n'ont visiblement pas répondu à l'appel du président Emmanuel Macron qui a insisté sur l'importance de voter "dans ces moments là", en mettant son propre bulletin dans l'urne dimanche au Touquet (nord).
Ce premier tour de scrutin a été organisé au lendemain de la décision du gouvernement de fermer tous les "lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays" -bars, cinémas, commerces autres qu'alimentaires- en raison de la pandémie qui a déjà fait 91 morts sur 4.500 cas en France.
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Les rassemblements de plus de 100 personnes sont interdits, le système scolaire sera à l'arrêt dans tout le pays à partir de lundi. En montagne, l'ensemble du domaine skiable a fermé dimanche jusqu'à l'hiver prochain, et dans les prochains jours, les transports seront fortement réduits. En outre, les tribunaux seront fermés en France à partir de lundi, sauf pour les "contentieux essentiels", a annoncé la ministre de la Justice.
Malgré tout, le gouvernement, dont deux membres sont malades, a estimé que le scrutin pouvait être maintenu.
C'est donc dans ce contexte sans précédent que les électeurs se sont rendus aux urnes.
- Chacun son stylo -
Poignées de porte, tables, isoloirs... tout devait être nettoyé avant le vote et des mesures prises pour éviter les files d'attente et faire respecter les distances de sécurité. Les personnes âgées ou fragiles passaient en priorité.
Le ministère de l'Intérieur a recommandé aux électeurs d'apporter leur propre stylo pour signer les cahiers d'émargement, et cette consigne était largement suivie, selon les journalistes de l'AFP.
Outre la faiblesse de la participation, certains bureaux de vote craignaient également des difficultés pour trouver des volontaires pour le dépouillement.
A Talence, près de Bordeaux (Sud-Ouest), "on cherche des gens pour le dépouillement ce soir. On demande, beaucoup de gens refusent", constatait une assesseure.
Une autre, dans un bureau du Nord-Est de Paris, estimait que de nomnbreuses personnes avaient peur de toucher les bulletins ou de rester confinés dans un bureau.
La progression de l'épidémie pose en outre la question de la tenue du second tour, dimanche 22 mars. Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a estimé dimanche que le virus toucherait "probablement" plus de la moitié de la population française.
Selon le constitutionnaliste Didier Maus un report du second tour conduirait à annuler le résultat du premier tour, et obligerait les électeurs à revoter pour les deux tours.
- Quid du parti de Macron? -
L'enjeu politique du scrutin réside surtout dans la capacité pour le parti présidentiel de s'ancrer localement, et pour les oppositions, laminées en 2017, de reprendre des couleurs.
Pour les spécialistes, une baisse de la participation chez les seniors pourrait surtout pénaliser la droite qui compte davantage sur un électorat âgé.
La performance des candidats du parti présidentiel (La République en marche, centre), qui n'existait pas lors du précédent scrutin en 2014, sera forcément suivie de près.
L'exécutif a traversé une période délicate ces derniers mois, marquée par de longs mouvements sociaux comme les gilets jaunes ou la grève contre la réforme controversée des retraites.
Ses candidats sont loin d'être favoris dans la plupart des villes, et même le Premier ministre Edouard Philippe, qui se présente dans son fief du Havre (Nord-Ouest), n'est pas certain de l'emporter. Une défaite mettrait assurément en danger son poste à la tête du gouvernement.
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A Paris, c'est l'ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn qui a été envoyée au front après une campagne chaotique. Elle a dû remplacer, il y a à peine un mois, au pied levé, Benjamin Griveaux, emporté par un scandale après la révélation de vidéos intimes.
Elle est légèrement en retrait dans les sondages, troisième (19%) derrière la maire socialiste sortante Anne Hidalgo et son adversaire de droite Rachida Dati au coude à coude (25%).