Des interrogations après la disqualification de cinq femmes au saut à ski mixte à Pékin

La Slovène Ursa Bogataj s'entraîne au saut à ski, le 3 février 2022, au Centre national de saut à ski de Zhangjiakou avant les Jeux Olympiques d'hiver de Pékin 2022.

La compétition mixte - remportée par la Slovénie - faisait partie du programme olympique pour la première fois. Mais l'inspecteur des équipements a sévi contre cinq concurrentes pour "combinaison non conforme", alors qu'elles portaient les mêmes équipements aux épreuves individuelles.

Alors qu'aucune femme n'a été disqualifiée à l'épreuve individuelle du saut à ski, cinq d'entre elles en équipe mixte se sont retrouvées dans le collimateur du contrôleur en chef des équipements, le Finlandais Mika Jukkara, qui a jugé leurs combinaisons non conformes au règlement.

Lors de la finale lundi, l'Autriche, la Norvège et le Japon ont eu des concurrentes disqualifiées, tandis que pour l'Allemagne - quadruple championne du monde - c'était déjà fini après le premier tour en raison de la disqualification de la médaillée d'argent Katharina Althaus, également pour "combinaison non conforme".

Pourtant, l'équipe allemande affirme que ses skieurs portaient tous les mêmes combinaisons qu'aux épreuves précédentes.

Silje Opseth, l'une des deux skieuses norvégiennes disqualifiées, a déclaré au journal Verdens Gang que les juges n'ont pas suivi la procédure habituelle lors de l'examen des combinaisons. Leur entraîneur, Clas Brede Brathen, s'est interrogé sur le fait que seules les filles ont été disqualifiées.

L'entraîneur allemand, Stefan Horngacher, a déclaré sur la television publique ZDF, que ces contrôles de routine ne sont "plus dans l'intérêt du sport." "Ils commencent à tester différemment ou plus. C'est étrange", a-t-il regretté.

Vue générale du site de saut à ski de Zhangjiakou le 15 janvier 2022, avant les Jeux Olympiques d'hiver de Pékin 2022.

Le manager de la Deutscher Skiverband, l'Association allemande de ski, Horst Hüttel, a surenchéri, affirmant que les fédérations concernées sont toutes très remontées contre ces disqualifications.

Citant les deux meilleures dans la discipline, la Japonaise Sara Takanashi et l'Autrichienne Daniela Iraschko-Stolz, il a aussi expliqué que Katharina Althaus "a été contrôlée plus longtemps que jamais. Jusqu'à ce que quelque chose soit trouvé".

Althaus a dit avoir la certitude que sa combinaison était conforme et a accusé la Fédération Internationale de Ski de détruire le saut à ski féminin, alors que cette nouvelle épreuve en mixte vient tout juste d'être ajoutée au calendrier des JO.

Selon Redaktions Netzwerk Deutschland, l'un des skieurs de l'équipe allemande, Karl Geiger, célébrait tout juste son premier saut en force - qui aurait signifié la deuxième place à la mi-temps - lorsque la nouvelle de la disqualification d'Althaus est survenue. "C'est super bizarre que trois soient sorties maintenant!", s'était-il alors exclamé.

Takanashi a, quant à elle, été forcée de sauter alors qu'elle était au courant de sa disqualification. Elle a éclaté en sanglots après son deuxième saut.

La Japonaise Sara Takanashi lors de la coupe du monde de saut à ski féminin à Rasnov, en Roumanie, le 19 fevrier 2021.

Une combinaison passée au crible

Les combinaisons de saut à ski doivent respecter à la lettre des normes très particulières.

Dans son document officiel des Caractéristiques pour l'équipement de compétition, la Fédération Internationale de Ski énumère point par point les détails auxquels se conformer, des pieds à la tête, en passant par les sous-vêtements.

Comme dans tout sport de compétition et à haut risque, l'objectif est d'optimiser la sécurité et l'équité entre concurrents.

Lors du contrôle, toutes les parties de la combinaison sont mesurées au millimètre près, comme par exemple la largeur de la fermeture éclair qui, "placée au centre du devant, ne doit pas dépasser 15 mm".

Le manuel présente plusieurs paragraphes sur les coutures, comme celui-ci: "Toute transformation des coutures (...) afin d'atteindre un plus grand volume ou plus de caractéristiques aérodynamiques n'est pas autorisée."

La Canadienne Natalie Eilers au départ du tremplin de saut à ski aux Championnats du monde de ski nordique FIS à Oberstdorf, en Allemagne, le 25 février 2021.

Le document apporte aussi des spécifications supplémentaires sur la combinaison de saut à ski des femmes, dont "l'épaisseur ne doit pas dépasser 6 mm ni être inférieure à 4 mm." Le sous-vêtement est également astreint à des caractéristiques très précises de perméabilité à l'air et ne doit pas dépasser 3 mm d'épaisseur.

Comment expliquer que les combinaisons de ces skieuses étaient jugées conformes lors de l'épreuve de saut à ski en individuel et pas lors de celle en équipe mixte, où femmes et hommes concouraient dans la même équipe pour la première fois?

Ces disqualifications présentent une rude épreuve pour ces jeunes favorites, dans une discipline où les femmes n'ont pas été autorisées à concourir avant 2014 (Sotchi), soit 90 ans après les hommes.

Le saut à ski est au programme olympique depuis les premiers jeux d'hiver de 1924 à Chamonix en France. Une épreuve remportée par le Norvégien Jacob Tullin Thams, à une époque où les normes d'équipement sportif étaient moins pointilleuses car alignées sur la technologie textile d'alors plus modeste que de nos jours.

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