Des lutteurs sud-soudanais se battent pour la paix en attendant Riek Machar

Un panneau en Soudan du Sud, Juba, le 15 avril 2016 qui montre le président Salva Kiir (gauche), et le rebelle Riek Machar (droite). (VOA/J. Patinkin)

Soutenu financièrement par l'Agence américaine pour le développement international (USAID), ce tournoi permet de rassembler des tribus des quatre coins du Soudan du Sud.

Vêtus d'un pagne traditionnel aux motifs léopard dont les lanières flottent au vent, deux géants se livrent à quelques pas de danse avant de se jeter l'un sur l'autre. La foule se fend d'une clameur: l'un des lutteurs est parvenu à projeter son adversaire au sol.

A Juba, la capitale du Soudan du Sud, des centaines de spectateurs ont rejoint le stade national de football pour oublier, le temps d'une compétition baptisée "Lutte pour la paix", la guerre qui sévit dans leur pays depuis décembre 2013.

Autour du terrain, peu sont ceux qui veulent penser au chef rebelle Riek Machar.

"Nous en avons assez de la guerre, nous sommes fatigués"

Censé rentrer lundi à Juba afin de former un gouvernement d'unité nationale et mettre la plus jeune nation du monde, indépendante depuis 2011, sur les rails de la paix, M. Machar a retardé son retour à plusieurs reprises pour des raisons encore floues.

"Nous en avons assez de la guerre, nous sommes fatigués", affirme Peter Thony, regardant le combat à travers le grillage dressé autour du terrain. "Cela fait du bien de profiter tout simplement d'un peu de sport."

Le conflit qui déchire le Soudan du Sud a fait des dizaines de milliers de morts (le bilan exact est inconnu) et plus de 2,3 millions de déplacés.

L'épreuve de lutte, soutenue financièrement par l'Agence américaine pour le développement international (USAID), rassemble des tribus venues des quatre coins du Soudan du Sud.

"Cela fait trop longtemps que nous attendons la paix et ce tournoi est une manière pour les gens normaux de dire qu'ils veulent la normalité", explique Peter Biar Ajak, organisateur de cette compétition d'une semaine.

La lutte est un sport extrêmement populaire au Soudan du Sud. Il est depuis longtemps un moyen pour les jeunes de se mesurer les uns aux autres sans se faire la guerre.

"Pardon et réconciliation"

Le lutteur victorieux saute de joie. Une plume d'autruche orne sa tête tandis que son torse a été décoré de cendres de fumier. Un peu plus loin, des femmes saluent la victoire par des cris aigus.

Derrière le grillage, un spectateur exhibe un des t-shirts distribués dans le stade et bardés du slogan "Lutter pour la paix, le pardon et la réconciliation".

A ses côtés, un partisan de Riek Machar a revêtu un t-shirt à l'effigie de celui qui est toujours attendu à Juba.

M. Machar, qui n'a plus remis les pieds dans la capitale depuis le début du conflit, doit y revenir pour devenir le vice-président, poste qu'il avait déjà occupé de juillet 2011 à juillet 2013, où il avait été démis de ses fonctions par le président Salva Kiir.

"La lutte ne va pas arrêter la guerre, mais se rassembler de la sorte montre bien que nous ne devons pas nécessairement nous combattre les uns les autres", assure plus loin Philip Jok, immense gaillard de plus de deux mètres portant sur le front les cicatrices traditionnelles signalant son appartenance à la tribu des Dinka, celle de M. Kiir.

Un taureau et trois vaches enceintes

Peter Biar Ajak avait organisé plusieurs tournois de lutte dans le passé. Le dernier, interrompu en pleine semaine par le début de la guerre, occupe une place douloureuse dans sa mémoire.

En décembre 2013, des combats avaient éclaté au sein de l'armée nationale, minée par des dissensions politico-ethniques alimentées par la rivalité à la tête du régime entre MM. Kiir et Machar, et le pays a plongé dans la guerre civile.

"Les lutteurs de Bor (à près de 200 kilomètres au nord de Juba, ndlr) se trouvaient tous ici mais leurs familles étaient à la maison", se souvient M. Ajak, selon lequel la tenue de ce nouveau tournoi est un signe "qu'il y a de l'espoir".

Pourtant, sur fond d'économie en ruines, la mise en place de l'accord de paix signé le 26 août 2015 est sans cesse repoussée. Les combats opposent en outre de nombreux groupes armés aux intérêts souvent locaux qui ne s'estiment pas soumis aux accords écrits.

Mais dans l'arène, les lutteurs n'ont en tête que les prix mis en jeu: cinq têtes de bétail, dont un taureau et trois vaches enceintes.

Avec AFP