Des manifestants paralysent Abbis Abeba après des violences ayant fait 23 morts

Les Ethiopiens agitent les drapeaux nationaux dans les rues d'Addis-Abeba, le 9 septembre 2018.

Des groupes de manifestants ont paralysé Addis Abeba, bloquant des routes et poussant les commerces de la capitale éthiopienne à fermer, à la suite de violences entre communautés ayant fait 23 morts ce weekend en périphérie de la ville.

Le chef de la police éthiopienne, Zeynu Jemal, a indiqué que la police a tué cinq manifestants lundi, les décrivant comme des "dangereux vagabonds" qui tentaient de piller des propriétés et voler des armes de la police.

Ces troubles et violences ethniques sont le dernier défi en date à l'ambitieux programme de réformes entrepris par le Premier ministre Abiy Ahmed, dont une profonde refonte d'un appareil sécuritaire décrié, depuis son entrée en fonction en avril.

Brandissant des drapeaux protestataires et des branches d'arbre, les manifestants sont descendus dans les rues de la capitale pour protester contre des violences ayant eu lieu ce weekend à Burayu, à l'ouest d'Addis Abeba, en région oromo.

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Ils ont accusé des groupes de jeunes Oromo d'y avoir visé d'autres ethnies minoritaires provenant du sud de l'Ethiopie et qui se sont installées ces dernières années dans des zones autour de la capitale.

"Je suis venue pour obtenir justice, car nos frères et nos soeurs se font massacrer", a assuré Bizuayehu Biyargegne Getahun, une manifestante rencontrée par l'AFP sur la place Meskel. "Ils violent nos soeurs et nos mères", a-t-elle ajouté.

Zewdu Tinae a, lui, appelé le gouvernement à prévenir ce genre de violences, dans lesquelles il a perdu son frère et un voisin. "Le gouvernement dit +soyons tous amis+, mais nous sommes en train de nous éloigner les uns des autres car il n'y a pas d'Etat de droit".

Sans nommer les auteurs des violences de Burayu, le chef de la police de la région oromo, Alemayehu Ejigu, cité par l'agence de presse officielle ENA, a indiqué lundi qu'un groupe organisé y a perpétré ce weekend une série de meurtres et de pillages, faisant 23 morts et 886 déplacés.

Les forces de l'ordre ont été déployées dans cette ville pour empêcher que la situation ne dégénère davantage. Deux cents suspects ont déjà été interpellés, selon des médias locaux.

Appel à la paix

"Le Premier ministre Abiy Ahmed (lui-même oromo) a fermement condamné ces meurtres et actes de violence contre d'innocents citoyens", a déclaré sur Twitter Fitsum Arega, le chef de cabinet de M. Ahmed. "Ces lâches attaques représentent une préoccupation pour l'unité et la solidarité de notre peuple, et nous y répondrons de manière appropriée".

Mais pour de nombreux manifestants, ces mots n'étaient pas suffisants.

"Le peuple Gamo et des peuples d'autres ethnies sont attaqués" par des Oromo, s'est exclamé Mahmud Emersa, en référence notamment à une ethnie minoritaire du sud de l'Ethiopie. Selon lui, ces violences ont cours depuis quatre ans.

Lundi, les routes menant à Burayu étaient bloquées par les protestataires, qui menaçaient les journalistes couvrant les manifestations. De nombreux commerces de la capitale ont préféré fermer et les grands axes étaient encore plus embouteillés que d'ordinaire.

La capitale éthiopienne est une ville multi-ethnique de 4 millions d'habitants, mais est située au milieu de la région oromo. Or, Addis Abeba connaît une croissance démographique galopante et s'étend progressivement au-delà de ses limites géographiques.

Des manifestations anti-gouvernementales sans précédent débutées fin 2015 et menées en grande partie par les Oromo avaient poussé à la démission du prédécesseur de M. Abiy début 2018. Ces protestations avaient notamment été provoquées par un projet d'extension du territoire de la capitale au détriment de la région oromo.

Samedi, des dizaines de milliers de personnes avaient accueilli à Addis Abeba le retour en Ethiopie de dirigeants du Front de libération oromo (OLF), un ancien groupe rebelle antigouvernemental que l'actuel gouvernement a enlevé de la liste officielle des organisations "terroristes".

Le nouveau Premier ministre a de nombreuses fois appelé les habitants du deuxième pays le plus peuplé d'Afrique à la paix, mais des conflits intercommunautaires aux enjeux le plus souvent territoriaux ont émaillé le début de son mandat, notamment des violences entre Oromo et Gedeo dans le sud du pays, qui ont déplacé près d'un million de personnes.

Avec AFP