Des opposants devant la justice, le président élu appelle à l'apaisement au Zimbabwe

Une conférence de presse du chef de l'opposition Nelson Chamisa à Harare, Zimbabwe, 3 août 2018.

Une vingtaine d'opposants arrêtés au siège de leur parti devaient comparaître devant la justice samedi à Harare, après la victoire contestée du président sortant Emmerson Mnangagwa, qui a appelé à l'apaisement dans l'espoir de tourner la page de l'ère Mugabe.

M. Mnangagwa a obtenu de justesse la majorité (50,8%) des voix lors de l'élection présidentielle de lundi, la première depuis la chute du président Robert Mugabe, tombé en novembre après près de quatre décennies au pouvoir. Il appartient, comme M. Mugabe, au parti de la Zanu-PF, aux commandes du pays depuis l'indépendance en 1980.

Après l'euphorie du vote qui s'est déroulé dans le calme, la situation a dégénéré mercredi quand la police et l'armée ont maté une manifestation de l'opposition, faisant au moins six morts.

Le lendemain, la police a perquisitionné les locaux du Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition), où 21 personnes ont été arrêtées et inculpées de violences sur la voie publique, selon l'association des Avocats du Zimbabwe pour les droits de l'Homme.

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Elles doivent comparaître samedi devant le tribunal d'Harare, qui était gardé par quelques policiers.

La situation était calme samedi dans la capitale, où plusieurs des victimes de la répression devaient être enterrées dans la journée.

La veille, Emmerson Mnangagwa, 75 ans, a joué la carte de l'apaisement vis-à-vis de l'opposition qui crie à la fraude. L'élection de lundi marque "un nouveau départ" pour "construire un nouveau Zimbabwe pour tous", a-t-il déclaré, appelant à l'unité.

Il a promis une enquête indépendante sur les violences de mercredi et dénoncé l'intervention musclée de policiers qui ont retardé vendredi une conférence de presse de l'opposition. Ce genre de comportement de la police "n'a pas de place dans notre société", a-t-il assuré.

Il a aussi défendu la légitimité de son élection, assurant qu'elle avait été "libre, juste et crédible".

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Sans convaincre Nelson Chamisa, le jeune chef de l'opposition de 40 ans, qui a de nouveau dénoncé samedi des fraudes.

"Nous avons gagné, mais ils ont déclaré le contraire. Vous avez voté et ils ont triché", a-t-il lancé sur son compte Twitter. "Nous faisons tout pour sécuriser votre vote et défendre votre volonté", a-t-il assuré.

Le MDC a décidé de choisir la voie légale pour dénoncer les résultats.

Une fois officiellement saisie, la justice aura 14 jours pour se prononcer. Le vainqueur sera alors investi président dans les 48 heures.

Washington, tout en déplorant les violences qui ont émaillé la semaine, a "encouragé" vendredi "tous les responsables politiques à montrer de la magnanimité dans la victoire et de la courtoisie dans la défaite".

- 'Casseroles de Mugabe' -

Emmerson Mnangagwa, arrivé au pouvoir en novembre à la faveur d'un coup de force de l'armée qui a contraint Robert Mugabe à démissionner, a obtenu cette semaine dans les urnes la légitimité du pouvoir.

Il a même conforté son pouvoir à l'Assemblée nationale lors des législatives organisées en même temps que la présidentielle: son parti, la Zanu-PF, a raflé les deux-tiers des sièges.

L'ex-bras droit de Robert Mugabe, soucieux de se démarquer de l'ancien président autocrate, s'était engagé à organiser des élections libres, pacifiques et justes.

Les précédents scrutins sous l'ère Mugabe avaient été marqués par des fraudes à grande échelle et des violences. En 2008, plus de 200 partisans de l'opposition avaient été tués.

Dans leurs rapports préliminaires rendus avant l'annonce des résultats, les observateurs internationaux ont salué le déroulement du vote. Mais l'Union européenne a dénoncé l'"inégalité des chances" entre les candidats, rappelant que M. Mnangagwa dispose du soutien de l'armée et contrôle les médias d'Etat.

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Amnesty International s'est inquiétée de son côté de "l'arrestation arbitraire d'au moins 60 personnes en sept jours". Elle a appelé le nouveau président à "tenir ses promesses" en "ordonnant aux forces de sécurité de mettre fin à leur campagne brutale de torture, d'intimidation et de suppression de voix dissidentes".

Pour Charles Laurie, analyste chez Verisk Maplecroft, "la mort de six personnes et les questions sur le gouvernement (d'Emmerson Mnangagwa) aux élections signifient qu'il transporte les casseroles de Mugabe à la présidence".

Emmerson Mnangagwa traîne une réputation sulfureuse. En tant que chef de la sécurité nationale sous Mugabe, il a dirigé en 1983 la brutale répression dans les provinces dissidentes du Matabeleland (ouest) et des Midlands (centre), qui ont fait environ 20.000 morts.

Avec AFP