Après des années de résistance, l'étau s'est resserré cette semaine sur l'un des plus grands bidonvilles du Rwanda, à Kigali, où les bulldozers sont entrés en action, et des habitants dénoncent des évictions forcées, sans compensation financière adéquate.
Jeudi, le bidonville de Kangondo, surnommé comme d'autres "Bannyahe" ("là où je peux déféquer"), qui jouxte certains des quartiers les plus chics de Kigali, a été soudain encerclé par la police. Cette dernière a empêché les résidents d'aller et venir, à moins qu'ils ne déménagent définitivement, tandis que des drones diffusaient des messages invitant les résidents à plier bagages.
Une date limite a été fixée à dimanche, alors que les habitants, qui se sont pourvus en justice, attendent une décision du tribunal pour la fin du mois.
"Ils nous ont dit que nous n'étions pas autorisés à accéder à la zone. Nous avons dormi dehors depuis jeudi", a déclaré un habitant à l'AFP samedi.
Les bulldozers ont rasé les bâtiments tandis que les locataires désespérés se sont précipités pour sauver ce qu'ils pouvaient, s'emparant de tôles, de briques et de meubles.
"Depuis jeudi, je ne peux pas aller travailler, je ne peux pas acheter de la nourriture ni trouver de l'eau potable pour mes enfants", a déclaré à l'AFP une habitante de Kagondo.
"J'ai été retenue prisonnière ici, pourtant j'y vis depuis plus de 20 ans", a-t-elle ajouté, portant son enfant pendant que son mari débarrassait leurs affaires.
Samedi matin, de nombreuses familles avaient fait leurs bagages et montaient dans des bus et des camions destinés à les transporter vers Busanza, dans la banlieue de Kigali, où les propriétaires se sont vu proposer de nouveaux logements. Tandis que les locataires se sont vu offrir une compensation maximale de 30 000 francs rwandais (30 dollars) pour trouver un abri temporaire.
La police affirme que ce processus de relogement s'était déroulé "sans heurts".
- "Jungle sans loi" -
"Je ne veux pas des maisons qu'ils nous donnent parce qu'elles sont petites et laides", a cependant déclaré à l'AFP un père de cinq enfants.
"Je veux une compensation financière équitable. S'ils veulent ma terre, ils devraient la payer", a-til ajouté.
Les propriétaires accusent le gouvernement de sous-évaluer leurs parcelles, tandis que les locataires se sont vu offrir une compensation maximale de 30.000 francs rwandais (30 dollars) pour trouver un abri temporaire.
Le quartier est au centre d'un conflit de longue date entre les habitants et les autorités, qui ont réservé la zone pour le développement.
Le gouvernement du président Paul Kagame, critiqué par les groupes de défense des droits de l'homme pour sa gestion du pays d'une main de fer, s'est efforcé de moderniser ce pays d'Afrique de l'Est, Kigali étant au centre d'un programme d'infrastructures de plusieurs milliards de dollars.
Les appartements de Busanza ont été construits par un ancien chef de police devenu magnat de l'immobilier, qui cherche maintenant à développer Kangondo en complexes immobiliers haut de gamme.
Le porte-parole de la police, John Bosco Kabera, a nié tout recours à la force.
"Il n'y a pas de déplacement ou d'expulsion par la force. L'exercice de relocalisation des personnes se fait en douceur", a-t-il dit à l'AFP.
Les résidents de Kangondo ont attaqué les autorités en justice en 2018, réclamant une meilleure compensation, et un jugement est attendu le 29 septembre.
"Expulser de force les résidents avant que le tribunal n'arrive à un verdict est une violation claire des lois", a déclaré aux médias locaux Innocent Ndihokubwayo, un avocat représentant les résidents.
"Si cela continue, le Rwanda deviendra comme une jungle sans loi", a-t-il averti.