Des villageois croates se préparent à fêter leurs "guerriers"

De jeunes supporters croates se teignent les cheveux aux couleurs de l'équipe de Croatie devant le Torcida, seul bar croate de la capitale, à Paris, le 08 juillet 1998

A l'ombre d'un jardin fleuri, deux cochons tournent tranquillement au-dessus d'un feu de braise, arrosés régulièrement à coup de bière locale, dans une auberge champêtre de Croatie où des dizaines de supporteurs attendent impatiemment la finale de "leurs guerriers" croates dimanche contre la France.

"Les nôtres vont gagner car ils sont des guerriers, ils vont se battre jusqu'au bout", lance sans sourciller le propriétaire des lieux, Miso Salaja, entouré de supporteurs croates attablés autour de cafés et d'eau de vie locale, en se faisant circuler les journaux sportifs.

Comme des dizaines d'autres habitants croates du petit village de Novo Selo (environ 500 âmes), près de Sisak, à 60 km au sud de Zagreb, il est impatient "de voir enfin ce match historique" tout en jetant de temps en temps un regard sur ses nombreux chevaux dans un champ situé à proximité.

Il raconte "l'euphorie sans précédent" qui a gagné le village quand la Croatie s'est qualifiée pour la finale de la Coupe du monde en Russie en battant l'Angleterre (2-1), exhibant des vidéos sur son portable montrant notamment une trentaine de personnes en liesse sur la remorque d'un tracteur.

Tout est prêt, selon lui pour la "fête" et "des dizaines de caisses de bière locale, Ozujsko", ont été entreposées dans une salle.

- "Une seule fois dans la vie" -

Le village de Novo Selo, situé sur un axe routier menant à la Bosnie voisine, est peuplé par une majorité de fermiers qui peinent à boucler leurs fins de mois et de nombreux anciens soldats de l'armée croate qui ont combattu ou ont été blessés pendant le conflit serbo-croate (1991-1995).

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Les lieux portent encore les traces de la guerre, et plusieurs maisons serbes minées pendant le conflit restent figées, comme abandonnées, envahies par des herbes folles.

"Nous nous attendons à un grand combat, et notamment à une grande victoire, nous savons que les Français sont plus grands, plus forts, les nôtres ont joué plus longtemps les matchs à cause des prolongations, ils sont fatigués mais nous savons que demain nos joueurs laisseront leurs cœurs sur le terrain", explique un autre supporteur, Mario Vincelj.

Cet ancien soldat de l'armée croate blessé par "un tir serbe" aux jambes pendant le conflit dit espérer qu'il s'agira d'un "moment historique" pour "le pays".

"Cela n'arrive qu'une seule fois dans une vie, une seule fois en cent ans", dit-il. "Le monde entier parle de la Croatie, même nos plus proches voisins ne pouvaient pas nous trouver sur la carte du monde. Demain, tout le monde saura où nous localiser sur la carte, c'est quelque chose d'énorme pour nous".

- "L'équipe joue pour son peuple" -

Un autre habitant du village, Toni Duzic, dit s'attendre "à un combat de guerriers".

"Je m'attends, dit-il, à ce que notre équipe continue à se battre comme des guerriers. Ils ont été très fatigués par les prolongations, mais même fatigués nous avons battu les Anglais, et même fatigués nous allons battre les Français et gagner ce match avant la 90e minute."

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"Les Français sont forts, ils sont favoris depuis le début, ils sont vraiment des héros mais la pression sera trop forte pour eux. Pour moi, nous avons déjà gagné, nous sommes un pays tellement petit et nous avons déjà tellement parcouru de chemin dans ce mondial" jusqu'à la finale, lance-t-il.

"Si nous gagnons, ajoute-t-il, ce sera la fierté et la gloire pour nous. On se souviendra de nous pendant au moins cent ans."

"C'est une équipe qui aime son pays, qui joue pour son peuple et qui nous communique une joie énorme pour oublier tous nos problèmes, pour ne pas penser à ces temps difficiles économiquement."

Avec AFP