RDC

Des élus en colère en RDC: le nombre de morts a doublé malgré l'état de siège

Le président Félix Tshisekedi prononce un discours avant les deux journées parlementaires, Kinshasa, 13 décembre 2021

Des élus sont en colère et la mesure fait de plus en plus débat. Au cours de l'année écoulée, selon des experts, plus de 2.500 civils ont été tués dans deux provinces de l'est de la République démocratique du Congo placées sous état de siège, près du double des tueries enregistrées un an avant.

Entre avril 2020 et mai 2021, 1.374 civils avaient été tués dans des attaques attribuées principalement aux groupes armés Forces démocratiques alliées (ADF) et Coopérative pour le développement du Congo (Codeco), actifs dans le Nord-Kivu et en Ituri, indique Reagan Miviri, du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST).

De mai 2021 à avril 2022, au moins 2.563 civils sont morts dans les deux provinces, selon le KST, un groupe de chercheurs présents dans les zones de conflit de l'est de la RDC.

Le Nord-Kivu et l'Ituri sont placés sous état de siège depuis le 6 mai dernier, une mesure qui a donné les pleins pouvoirs aux officiers de l'armée et de la police pour gérer l'administration et mener la guerre contre la centaine de groupes armés qui sévissent dans l'est congolais depuis plus d'un quart de siècle.

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Pour le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, l'état de siège et les opérations de l'armée ont permis de "réduire la zone d'action des forces négatives". Par conséquent, a-t-il déclaré mardi à RFI, les autorités envisagent "une requalification de la zone (où la mesure sera maintenue), étant donné que les exactions se font dans des zones précises".

Sous ce régime, l'armée a multiplié les offensives contre des fiefs des groupes armés: environ 600 affrontements répertoriés entre mai 2021 et avril 2022, après quelque 400 entre avril 2020 et mai 2021, selon des statistiques du KST.

"Les rebelles ADF ont été chassés de nombreux bastions où s'organisaient des entraînements, l'endoctrinement et des attaques contre des positions de l'armée et des civils", note le capitaine Anthony Mualushayi, porte-parole de l'armée dans la région de Beni (Nord-Kivu).

Fin novembre, l'armée ougandaise est entrée en RDC pour participer à la traque des ADF, présentés par l'organisation Etat islamique (EI) comme sa branche en Afrique centrale, accusés de massacres en RDC depuis les années 90 et de récents attentats jihadistes sur le sol ougandais.

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Problème d'effectifs

Mais cet optimisme n'est pas partagé par tout le monde. "Au lieu de contenir les violences, les frappes des armées congolaise et ougandaise ont eu comme effet l’élargissement du périmètre d'action des ADF, qui part désormais de la frontière ougandaise jusqu'à l'ouest de la route nationale 4", analyse M. Miviri du KST.

En plus de la région de Beni, leur zone habituelle d'exactions, les ADF ont massacré des civils dans les territoires de Djugu et Irumu en Ituri.

Des miliciens Codeco se sont quant à eux attaqués à de nombreux déplacés et à des humanitaires. Et les rebelles du M23 (Mouvement du 23 mars), défaits en 2013, ont relancé les hostilités contre l'armée au Nord-Kivu.

"Cela fait trois mois que les frappes des armées ougandaise (UPDF) et congolaise (FARDC) contre les positions des ADF ont cessé", s'étonne auprès de l'AFP Jules Masumbuko, un habitant de Beni.

Profitant des trêves, les groupes armés "se réorganisent et reprennent des espaces perdus, parce qu'il se pose un problème d'effectifs au sein de l'armée congolaise", estime M. Miviri, bien que l'armée ait toujours affirmé avoir déployé plus de 20.000 hommes dans ces zones déstabilisées de l'est.

Les militaires sont également accusés d'abuser de leurs pouvoirs en faisant taire toutes les voix discordantes. Pendant la période, 13 militants pro-démocratie et deux chanteurs ont été condamnés par des tribunaux militaires à de lourdes peines pour avoir été contre l'état de siège, alors qu'au moins un élu a passé plusieurs jours en détention.

Face à ce tableau, cinq élus du Nord-Kivu et de l'Ituri ont soumis à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à mettre fin à l'état de siège.

Pour marquer clairement leur opposition aux reconductions répétitives de cette mesure par l'Assemblée, les élus des deux provinces boycottent les séances au cours desquelles cette prolongation est examinée.

Pour eux, "la mutualisation des forces et des moyens militaires des FARDC et de l'UPDF démontre que l'état de siège ne se justifie plus", explique en colère Thadée Katembo, un élu de Lubero au Nord-Kivu.

"Il n'est pas nécessaire qu'on garde les militaires à la tête de nos provinces, avec ce résultat mitigé au bout d'une année", tempête de son côté le député Grégoire Kiro, un élu de Beni, reprochant aux chefs militaires de privilégier la collecte des impôts et taxes au détriment des questions de sécurité.