A l'issue de leur entretien d'une demi-heure, les deux hommes sont apparus relativement détendus et souriants devant la presse. Mais rien n'a filtré dans l'immédiat sur leur discussion à huis clos dans la bibliothèque des appartements pontificaux.
"Merci, merci, je n'oublierai pas ce que vous avez dit", a cependant glissé le président américain en prenant congé de son hôte.
Plus tard, en marge d'une rencontre avec le gouvernement italien, Donald Trump s'est exclamé en parlant du pape: "C'est vraiment quelqu'un!".
"Nous avons eu une rencontre fantastique", a-t-il ajouté, soulignant aussi à quel point il aimait l'Italie.
Pour sa part, le Vatican n'est pas sorti d'un bref communiqué au langage très policé, évoquant des "discussions cordiales" et "la satisfaction de bonnes relations bilatérales" entre la première puissance mondiale et le plus petit Etat du monde.
Le pape a voulu pointer un "engagement commun en faveur de la vie et de la liberté religieuse et de conscience".
M. Trump a autorisé des entreprises à refuser de financer la prise en charge de la contraception de leurs employés, bloqué le financement d'ONG internationales soutenant l'avortement et nommé à la Cour suprême un juge conservateur étiqueté anti-avortement.
De quoi faire plaisir à la moitié conservatrice de l'électorat catholique qui a voté pour lui, mais aussi au pape. Car malgré son image de "révolutionnaire", François reste un strict gardien de la tradition sur les questions éthiques.
Mercredi, les deux hommes ont échangé sur "la promotion de la paix dans le monde", dont "le dialogue interreligieux" au Moyen-Orient.
Le Saint-Siège s'est permis seulement une vague allusion aux barrières à l'immigration, point de discorde le plus flagrant entre Trump et le pape.
Il a souhaité une "collaboration sereine" entre la Maison Blanche et l'Eglise catholique américaine, "impliquée au service de la population dans les domaines de la santé, de l'éducation et de l'assistance aux migrants".
De prime abord, pourtant, les sujets de dissension sont innombrables.
Le pape, pourfendeur de la prolifération des armes et du libéralisme qui exclut les plus faibles a-t-il évoqué les coupes budgétaires prévues aux Etats-Unis dans les programmes sociaux ? Ou encore la question du changement climatique ? Mystère.
Livres de Martin Luther King
Le président républicain a offert au pape les cinq livres écrits par Martin Luther King, dont l'un signé de la main du prix Nobel de la paix.
François a pour sa part remis à M. Trump un médaillon symbole de paix. "Je vous le donne pour que vous soyez un instrument de paix", a-t-il expliqué.
"On a bien besoin de paix", a glissé le président septuagénaire.
En recevant les texte du pape, dont son encyclique sur la défense de l'environnement, le président américain a promis de les lire. Il n'aura cependant pas pu voir le message projeté mardi soir par Greenpeace à son intention sur la coupole de la basilique Saint-Pierre: "La planète terre d'abord".
M. Trump était accompagné de son épouse Melania ainsi que de sa fille Ivanka et de son gendre Jared Kushner. Conformément au protocole, qui n'est cependant plus une obligation, les deux femmes étaient vêtues de noir et portaient une mantille.
Immédiatement après la rencontre, François est allé tenir sa traditionnelle audience hebdomadaire du mercredi devant des milliers de fidèles sur la place Saint-Pierre, où il n'a fait aucune allusion à son rendez-vous matinal.
'Chercher les portes'
M. Trump devait pour sa part avoir le privilège d'une visite privée de la chapelle Sixtine et de la célèbre basilique, chef-d'oeuvre de Michel-Ange et du Bernin.
Son épouse Melania devait ensuite rendre visite à des enfants malades à l'hôpital Bambino Gesù, tandis que sa fille et conseillère Ivanka était attendue à la communauté catholique de Sant'Egidio pour y évoquer la lutte contre le trafic de migrants.
Avec ce rendez-vous, le président américain clôture son tour des trois grandes religions monothéistes, après un discours sur l'islam en Arabie saoudite et une visite au mur des Lamentations à Jérusalem.
"Ce que le président Trump essaie de faire est d'unir les peuples de toutes les fois autour d'une vision commune de paix, de progrès et de prospérité", avait expliqué le conseiller américain à la sécurité nationale, le général H.R. McMaster.
Le rendez-vous n'allait cependant pas de soi après la mémorable pique du pape au candidat Trump en février 2016. Interrogé sur le magnat de l'immobilier, François avait lancé: "Une personne qui veut construire des murs et non des ponts n'est pas chrétienne".
Le milliardaire avait jugé "honteux" qu'un responsable religieux "mette en doute la foi d'une personne", mais n'avait pas abandonné son projet de mur le long de la frontière avec le Mexique.
Il y a une dizaine de jours, le ton avait changé: "Je dirai ce que je pense, il dira ce qu'il pense", avait expliqué le pape, en affirmant "ne jamais porter de jugement sur une personne sans l'écouter".
Ce pourfendeur de la prolifération des armes et du libéralisme qui exclut les plus faibles a-t-il évoqué les contrats de 110 milliards de dollars pour la vente d'armement signés samedi à Ryad ? Ou les coupes budgétaires prévues aux Etats-Unis dans l'assurance maladie et des programmes sociaux ?
Peut-être, mais le pape argentin avait aussi annoncé sa démarche: "Chercher les portes qui au moins sont un peu ouvertes" et "parler des choses communes" pour aller de l'avant.
Après le Vatican, le président américain a plusieurs rendez-vous protocolaires avec les autorité italiennes. Son avion repartira en début d'après-midi pour Bruxelles, où il doit rencontrer le roi et le Premier ministre belges.
Avec AFP