Evguéni Prigojine accuse depuis plusieurs jours le haut commandement russe de trahison car il refuserait de fournir des munitions à ses hommes qui sont en première ligne dans la bataille pour la ville de Bakhmout, dans l'est de l'Ukraine.
Lire aussi : Russie: le patron de Wagner accuse l'état-major russe de "trahison"Les tensions se sont accentuées ces dernières semaines, illustrant les divisions au sein des forces russes à deux jours de l'anniversaire du déclenchement de l'offensive russe, désormais enlisée face à la résistance d'Ukrainiens renforcés par l'aide militaire occidentale.
Elles pourraient aussi indiquer, selon des analystes, que l'étoile de M. Prigojine, homme d'affaires de 61 ans dont l'ascension sur la scène publique a été fulgurante depuis le début de l'offensive en Ukraine, est en train de pâlir.
"Si chaque Russe à son niveau pour (éviter) d'appeler qui que ce soit à manifester disait simplement Donnez des obus à Wagner, alors ce serait déjà important", a déclaré M. Prigojine dans un enregistrement sonore diffusé par son service de presse.
"Si le chauffeur dit à son patron de donner des obus à Wagner; si l'hôtesse de l'air à l'embarquement dit de donner des obus à Wagner; si le présentateur dit en direct de donner des obus à Wagner, nous allons les casser et les forcer à arrêter de faire n'importe quoi", a-t-il lancé en s'en prenant à la hiérarchie militaire russe qualifiée par le passé de "monstrueuse".
"Des obus, il y en a. Mais il faut que des politicards, des salauds, des ordures apposent leur signature" pour qu'ils soient livrés, s'est emporté M. Prigojine.
"Trahison"
Cet appel à la mobilisation individuelle est inédit en Russie où les critiques à l'égard du Kremlin ou de l'armée sont durement réprimées. Depuis le début de l'offensive en Ukraine, critiquer l'armée russe est passible de 15 ans de prison. Plusieurs opposants et anonymes sont incarcérés dans le cadre de cette loi.
Mardi, M. Prigojine avait déjà accusé le chef d'état-major Valéri Guerassimov et le ministre de la Défense Sergueï Choïgou de "trahison" en ne livrant pas les munitions réclamées par Wagner.
Il a accusé le haut commandement d'avoir même interdit de livrer à Wagner des "pelles qui leur permettent de creuser des tranchées". Selon lui, l'objectif est de "détruire" Wagner sur le champ de bataille, alors que M. Prigojine reconnait que son groupe subit "des centaines de pertes" chaque jour.
Mercredi, il a relayé une photo montrant les corps de dizaines de combattants alignés dans la neige, tués selon lui la veille en raison d'un manque de munitions. "Leurs femmes, leurs mères et leurs enfants vont recevoir les corps. Qui est coupable ? Ceux à qui il revient de régler le problème de livraison des munitions", a-t-il asséné.
"Désespéré"
Le ministère russe de la Défense a répondu mardi aux accusations de "trahison" avec un communiqué détaillant le nombre de munitions fournies selon lui aux "escadrons d'assaut volontaires", nom que l'armée semble utiliser pour désigner Wagner et d'autres groupes de ce type.
Interrogé mercredi au sujet de ce conflit, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a refusé de commenter. Les tensions entre Wagner et le ministère de la Défense étaient déjà apparues pendant la guerre civile en Syrie où Moscou soutient le régime de Bachar al-Assad.
Pour l'analyste russe indépendante Tatiana Stanovaïa, qui dirige le centre d'analyse R.Politik, les dernières sorties de M. Prigojine pourraient être dues à la plus grande verticalité du commandement russe en Ukraine depuis que le chef d'état-major, le général Guerassimov, a directement pris les rênes de l'offensive en janvier. Cette mesure a "drastiquement réduit l'autonomie de Wagner" qui semblait jusqu'alors opérer de façon autonome en Ukraine, souligne l'analyste.
Les déclarations publiques de M. Prigojine indiquent également qu'il "n'a pas d'accès direct à Poutine", selon Mme Stanovaïa. "C'est un acte désespéré C'est une tentative d'entrer en contact avec Poutine de manière publique et d'effrayer les autorités militaires", ajoute-t-elle.