"Les responsables de ces atrocités doivent rendre des comptes", a déclaré le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson, qui a rencontré mi-novembre en Birmanie le chef de l'armée Min Aung Hlaing et la dirigeante du gouvernement civil Aung San Suu Kyi.
Dans un communiqué, il a explicitement accusé "certains au sein de l'armée et des forces de sécurité birmanes ainsi que dans les groupes locaux d'autodéfense", et n'a pas exclu des "sanctions ciblées".
Une responsable du département d'Etat a confirmé que de telles mesures punitives étaient à l'étude contre "des personnes responsables d'actes de violences spécifiques", tout en confirmant que les Etats-Unis écartaient à ce stade l'idée de "sanctions économiques globales" contre le pays.
En réponse à des attaques de la rébellion rohingya fin août, l'armée birmane mène une campagne de représailles dans l'Etat Rakhine, dans l'ouest de la Birmanie. Plus de 600.000 Rohingyas ont fui en trois mois au Bangladesh voisin, dont la moitié sont des enfants, et ont témoigné d'exactions, viols ou meurtres de la part des soldats birmans, accusés de vouloir vider la région des musulmans.
L'ONU avait dénoncé dès le 11 septembre une "épuration ethnique" mais l'administration américaine s'était refusée jusqu'ici à en faire autant, expliquant qu'elle analysait la situation.
"Après une analyse attentive et approfondie des faits disponibles, il est clair que la situation dans le nord de l'Etat Rakhine constitue un nettoyage ethnique contre les Rohingyas", a ainsi déclaré mercredi Rex Tillerson. "Aucune provocation ne peut justifier les horribles atrocités qui ont suivi" les attaques imputées aux rebelles, a-t-il insisté, réclamant une "enquête crédible et indépendante" sur le terrain.
- 'Sentiment d'urgence' -
Un responsable du département d'Etat a toutefois expliqué que cette dénonciation n'avait aucune implication légale et était avant tout symbolique. "Cela met l'accent sur notre préoccupation" et sur "le sentiment d'urgence" autour de cette crise, a-t-il fait valoir.
Depuis le début de ce nouveau drame des musulmans rohingyas, la plus grande population apatride au monde victime de longue date de nombreuses discriminations, les Etats-Unis prennent soin de ne pas blâmer Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix auréolée de son long combat contre la junte militaire, mais évoquent ouvertement la responsabilité de l'armée.
"C'est un équilibre délicat", reconnaît-on de source diplomatique américaine, soulignant que Washington ne veut pas faire dérailler la transition démocratique dans ce pays asiatique longtemps dirigé d'une main de fer par les seuls militaires.
Selon le chef de la diplomatie américaine, "la réponse de la Birmanie à cette crise est cruciale pour réussir sa transition vers une société plus démocratique". Il a demandé à l'armée mais aussi au gouvernement de "respecter les droits de l'homme" et "faire rendre des comptes à ceux qui ne le font pas".
Rex Tillerson a également salué les "récents échanges entre les gouvernements de Birmanie et du Bangladesh" en vue du rapatriement des réfugiés rohingyas.
Selon une responsable du département d'Etat, les deux pays voisins "sont proches d'un accord sur un processus de rapatriement volontaire". "Il est déterminant que les militaires birmans apportent leur soutien à cette démarche", a-t-elle plaidé, alors que certaines déclarations des chefs de l'armée n'incitent pas à l'optimisme et que, selon des sources diplomatiques occidentales, ils restent au contraire hermétiques à toute dénonciation de leur rôle dans la crise.
Pékin a annoncé avoir proposé un plan qui a, selon lui, l'approbation de la Birmanie et du Bangladesh. "Nous attendons plus de détails de la part de la Chine sur la manière dont elle propose de gérer ces questions délicates cruciales pour résoudre la crise", s'est borné à répondre le département d'Etat américain, interrogé par l'AFP sur ce plan chinois.
Après les visites récentes de Rex Tillerson et de ministres européens, le pape François doit se rendre la semaine prochaine en Birmanie et au Bangladesh.
Avec AFP