Droits des LGBT: la Hongrie cible de condamnations européennes

Défilé de la gay pride à Varsovie, en Pologne, le samedi 8 juin 2019.

Loi "dangereuse", "indigne": la Hongrie s'est retrouvée mardi sous le feu des critiques de ministres européens rassemblés à Luxembourg, qui ont appelé la Commission à agir après l'adoption à Budapest d'une législation interdisant la "promotion" de l'homosexualité auprès des mineurs.

La France a aussi, par la voix de son secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Clément Beaune, "regretté" le refus de l'UEFA, instance organisatrice de l'Euro de football, de permettre l'illumination du stade de Munich aux couleurs arc-en-ciel de la communauté LGBT pour le match Allemagne-Hongrie mercredi. Une décision dont s'est à l'inverse félicité Budapest.

La municipalité allemande voulait par ce geste protester contre la loi adoptée la semaine dernière en Hongrie à l'initiative du parti souverainiste de Viktor Orban.

Une législation "indigne de l'Europe", a fustigé le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn.

"Pas au Moyen-Age"

"Les gens ont le droit de vivre comme ils veulent, on n'est plus au Moyen-Age", a-t-il ajouté en arrivant à la réunion. Il a appelé la Commission européenne à réagir, précisant que son pays, la Belgique et les Pays-Bas avaient rédigé une déclaration en ce sens.

Cette loi "crée manifestement une discrimination envers une orientation sexuelle, envers l'homosexualité qu'elle assimile à une forme de menace ou de propagande", a estimé Clément Beaune, précisant que la France soutenait l'initiative du Benelux, tout comme l'Allemagne.

A la mi-journée, ce texte était soutenu par au moins treize pays au total, selon une source européenne.

Le ministre délégué allemand aux Affaires européennes Michael Roth a dénoncé des dispositions qui "violent clairement les valeurs de l'UE".

Idem pour l'Irlande, dont le ministre des Affaires européennes, Thomas Byrne, s'est inquiété d'un "moment très dangereux pour la Hongrie ainsi que pour l'Union".

La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait fait part de sa préoccupation la semaine dernière, ajoutant que l'exécutif européen était en train d'examiner si cette loi "enfreint la législation européenne".

La Commission a le pouvoir de déclencher des procédures d'infraction pour violation du droit européen contre un pays, pouvant mener à une saisine de la Cour de justice de l'UE.

La loi hongroise prévoit que "la pornographie et les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l'identité de genre, le changement de sexe et l'homosexualité ne doivent pas être accessibles aux moins de 18 ans".

"Fake news"

Le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto a rejeté les critiques européennes et dénoncé des "fake news". Il a affirmé que cette loi "n'était dirigée contre aucune communauté en Hongrie (mais) seulement contre les pédophiles".

"Cette loi ne dit rien sur l'orientation sexuelle des adultes. Elle dit seulement que tant que les enfants ont moins de 18 ans, leur éducation sexuelle relève exclusivement de leurs parents, c'est tout", a-t-il déclaré, ajoutant que le vote du Parlement hongrois était "une compétence nationale qui ne devrait pas être remise en question".

Le ministre a salué "le bon sens" des dirigeants du football européen qui ont refusé l'illumination du stade de Munich. Cela "aurait été une provocation politique envers la Hongrie", a-t-il jugé.

La ville a néanmoins décidé de pavoiser plusieurs bâtiments de la ville.

La Hongrie, régulièrement accusée d'atteintes à l'Etat de droit par Bruxelles, est sous le coup d'une procédure européenne (Article 7 du traité), tout comme la Pologne. Dans ce cadre, les ministres de ces deux pays vont devoir s'expliquer devant leurs pairs lors de la réunion de mardi.

Il s'agira de la quatrième audition pour le gouvernement polonais, mis en cause pour des atteintes à l'indépendance de la justice. Ce sera la troisième pour la Hongrie, accusée de menaces à l'indépendance des juges mais aussi de violations de la liberté d'expression et des droits des migrants et réfugiés, notamment.

Cette procédure de l'Article 7, qui en est dans les deux cas à un stade préliminaire, comporte plusieurs étapes, et peut en théorie déboucher sur une suspension des droits de vote d'un pays au sein du Conseil, instance représentant les 27. Or une telle sanction impliquerait l'unanimité des autres membres, impossible tant que Varsovie et Budapest s'apportent un soutien réciproque.