Duterte, qui s'était comparé à Hitler, visite le mémorial de la Shoah à Jérusalem

Le président des Philippines, Rodrigo Duterte, le 3 septembre 2018, signe le livre d’invité à côté de sa fille.

Le président philippin Rodrigo Duterte qui s'était comparé à Hitler avant de présenter ses excuses visite lundi le mémorial de la Shoah à Jérusalem après avoir rencontré le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

L'opposition israélienne et les défenseurs des droits de l'Homme dénoncent la visite de trois jours de ce dirigeant réputé pour son langage outrancier, auteur juste avant son départ de nouveaux propos controversés (sur le viol), et chantre des exécutions extra-judiciaires.

Mais MM. Duterte et Netanyahu ont souligné des "relations fortes" et une amitié "florissante", lors de la signature de trois accords, commercial, scientifique et sur les milliers de Philippins qui travaillent comme aides à domicile en Israël.

"Nous partageons une même passion pour la paix", a soutenu M. Duterte en anglais, "mais nous partageons aussi une même passion quand il s'agit d'empêcher que nos pays ne soient détruits par des gens à l'idéologie malfaisante qui ne connaissent que le meurtre et la destruction".

Les détracteurs de la visite ne se sont pas privés de ressortir les déclarations faites par M. Duterte sur Hitler en septembre 2016, trois mois après son investiture.

M. Duterte avait alors répondu aux critiques contre ses méthodes sanglantes pour combattre la criminalité et le trafic de drogue.

"Sorry", Obama

"Hitler a massacré trois millions de juifs. Bon, il y a trois millions de drogués (aux Philippines). Je serais heureux de les massacrer", avait-il dit, minimisant le nombre de juifs assassinés par les nazis, chiffrés par les historiens à six millions.

Ces mots avaient suscité une profonde indignation internationale ainsi que parmi les juifs. M. Duterte avait présenté ses excuses et s'était rendu dans une synagogue quelques jours plus tard.

Après son arrivée en Israël dimanche soir, il est revenu sur une autre sortie sulfureuse de 2016 et a présenté ses excuses à l'ancien président américain Barack Obama pour l'avoir traité de "fils de pute".

Lundi après-midi, le président philippin visite à Jérusalem le mémorial Yad Vashem, haut lieu du souvenir de l'Holocauste et passage solennel obligé pour tout dignitaire étranger en visite en Israël.

"Bibi (le surnom de M. Netanyahu) est prêt à exonérer un dirigeant illégitime qui se targue de massacrer ses concitoyens et de violer les droits de l'Homme, et pour quelle raison? Parce que Duterte est prêt à soutenir l'occupation" israélienne des Territoires palestiniens, a écrit sur Facebook Tamar Zandberg, la cheffe du parti de gauche Meretz.

"Un admirateur d'Hitler à Yad Vashem", a éditorialisé le quotidien de gauche Haaretz, "Israël prouve une fois de plus qu'il est prêt à fermer les yeux sur les violations des droits de l'Homme de la part des dirigeants de ce monde au nom des ventes d'armes et des contrats de défense".

La visite de M. Duterte, la première d'un chef d'Etat philippin en Israël depuis l'établissement de relations entre les deux pays il y a 60 ans, pourrait aboutir à la signature de contrats significatifs, au moment où Manille prévoit un programme de plusieurs milliards de dollars de modernisation de ses forces armées.

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"Aide cruciale"

Les Philippines sont devenues en 2017 un important client des produits de défense israéliens, achetant pour 21 millions de dollars (18 millions d'euros) de systèmes radar et d'équipements antichars.

M. Duterte a évoqué "l'aide cruciale", sans plus de précision, apportée par Israël aux forces de sécurité philippines.

Pour M. Netanyahu, à la tête du gouvernement considéré comme le plus à droite de l'histoire d'Israël, la visite de M. Duterte est l'occasion de renforcer les alliances diplomatiques hors des grands partenaires traditionnels.

Au cours des derniers mois, il a déjà été critiqué pour avoir reçu le Premier ministre hongrois nationaliste Viktor Orban.

M. Netanyahu a salué "le rôle exceptionnel" joué par les Philippines qui avaient accueilli un millier de juifs fuyant l'Holocauste. Il a rappelé qu'elles avaient été le seul pays d'Asie à voter en 1947 la résolution de l'ONU sur la partition de la Palestine prévoyant notamment la création de l'Etat d'Israël.

Israël a bien noté que les Philippines figuraient parmi les pays qui s'étaient abstenus de voter en décembre une condamnation adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU contre la reconnaissance par les Etats-Unis de Jérusalem comme capitale d'Israël.

A titre personnel, M. Netanyahu a souligné que son père avait, jusqu'à sa mort, reçu les soins d'une aide à domicile des Philippines. Environ 28.000 Philippins vivent en Israël, travaillant pour beaucoup comme aides à domicile. Ils y sont traités en "êtres humains", à la différence d'autres pays, a dit M. Duterte.

Avec AFP