Les créanciers s'opposent à une annulation de la dette des pays africains, malgré le coronavirus

Judith Andeka, veuve et mère de cinq enfants, va chercher de l'eau avec un seau dans le bidonville de Kibera, à Nairobi, au Kenya, le 10 avril 2020. (AP Photo/Brian Inganga)

Les créanciers majeurs qui opèrent dans les pays en voie de développement s’opposent à un allègement systématique et universel de la dette tel que proposé récemment par des organisations de la société civile et le G20.

Réunis au sein du Groupe de travail des créanciers privés en Afrique (AfricaPCWG), ils disent analyser comment aider les pays africains lourdement endettés à amoindrir l'impact économique du COVID-19.

Le groupe est composé de plus de 25 gestionnaires d'actifs et des institutions financières représentant une enveloppe de plus de 9 billions de dollars d'actifs.

Pour AfricaPCWG, pas question d’annuler ou d’alléger la dette de tous les pays ; c’est plutôt "au cas par cas" que chaque dossier sera analysé.

"Une approche universelle précipitée et conçue en temps de crise risque de mettre en danger l’accès aux capitaux dont ces pays ont besoin à la longue", déclare le groupe.

Cette année, les pays africains sont confrontés à une facture combinée de 44 milliards de dollars pour le service de la dette.

Lire aussi : L'Union européenne va examiner l'annulation de la dette africaine

Tim Jones, un des responsables à Jubilee Debt Campaign, un organisme de bienfaisance basé au Royaume-Uni qui œuvre pour mettre fin à la pauvreté, persiste et signe : un allègement de la dette est crucial.

"Si on n’annule pas les paiements de la dette due aux créanciers privés, les prêts consentis auprès du FMI et les gains réalisés du fait de la suspension de la dette du G20 seront utilisés pour payer les taux d’intérêts accumulés chez ces créanciers privés, ce qui est scandaleux", explique-t-il.

Il a un allié de taille : le pape François. En effet dans son message de Pâques, le souverain pontife avait appelé à " réduire" voire "annuler" la dette des pays pauvres.

Lire aussi : La dette des pays africains atteindra 64% du PIB, selon le FMI

Le 15 avril, le G20 – une entité qui regroupe les 20 économies les plus fortes du monde – avait annoncé qu’il avait conclu un accord avec le Club de Paris, qui regroupe les plus grands créanciers étatiques. Objectif : geler les paiements de la dette des 77 pays les plus pauvres, du 1er mai jusqu’à la fin de l'année.

Une proposition qui ne va pas assez loin pour le Premier ministre de l’Éthiopie, Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la paix. Il souhaite plutôt que le gel des paiements soit étendu à l'année prochaine, ce qui permettrait aux pays africains de financer les investissements nécessaires dans la santé et les filets de sécurité sociale.

Le président sénégalais Macky Sall a pour sa part demandé l’annulation de la dette de l'Afrique pour atténuer l'impact du COVID-19.

Entre temps, plusieurs pays africains – du Bénin à l’Ouganda en passant par l’Égypte et le Rwanda – se sont déjà rués vers des prêts additionnels du FMI. Une vingtaine bénéficie d’aides non remboursables.

Selon les prévisions du FMI, la dette des pays d'Afrique subsaharienne ira de 58 % du produit intérieur brut (PIB) en 2019 à 64 % du PIB en 2020.