Ecosse, Irlande du Nord: le Brexit menace le Royaume de désunion

Nicola Sturgeon, chef du Parti national écossais (SNP) et Première ministre d'Écosse lors d'une intervention au Parlement écossais à Edimbourg, Ecosse, Grande-Bretagne, le 6 mai 2015.

Sitôt voté le Brexit, le Royaume-Uni se retrouve face aux aspirations à l'indépendance de l'Ecosse, mais aussi de l'Irlande du Nord, nations europhiles sur le point d'être détachées contre leur gré de l'Union européenne.

L'Ecosse a massivement voté, à 62%, pour rester dans l'UE, contre 48,1% pour l'ensemble des Britanniques, et le Premier ministre écossais, Nicola Sturgeon, a immédiatement évoqué la possibilité d'un deuxième référendum sur l'indépendance, après celui perdu en 2014.

"La possibilité d'un second référendum doit être sur la table et elle est sur la table", a déclaré Mme Sturgeon, chef du parti indépendantiste SNP, depuis sa résidence officielle à Edimbourg, où près de trois quarts des électeurs ont glissé un bulletin "remain" dans l'urne.

Quelques heures plus tôt, elle avait déjà prévenu que l'Ecosse voyait "son avenir au sein de l'UE", entr'ouvrant ainsi la porte à une nouvelle consultation.

Mme Sturgeon répète depuis des mois qu'un Brexit peut être le déclencheur d'un nouveau référendum.

"Près des deux tiers des Écossais ont voté pour rester dans l'UE, et aucune circonscription écossaise n'a voté pour le Brexit. Le résultat est très frustrant pour les Écossais", dit à l'AFP Luis Moreno, chercheur en sciences politiques.

Sur Twitter, dès l'annonce des premiers résultats, le hashtag #indyref2 ("référendum d'indépendance 2") s'est répandu comme une traînée de poudre.

Et dans le train Glasgow-Edimbourg de 05H47, la plupart des passagers y étaient favorables.

"Il y aura un nouveau référendum", croit Tom, 59 ans, "surpris et déçu" par l'issue du scrutin.

Quelques rangées plus loin, Hugh Brown, 64 ans, se félicite lui du Brexit. Mais il se réjouit plus encore d'une éventuelle nouvelle consultation sur l'indépendance de l'Ecosse. "Si Westminster veut retenir l'Ecosse, ils devront nous donner plus de pouvoirs", sourit-il.

Comme de nombreux Ecossais, il craint que le parlement britannique, émancipé de Bruxelles, n'ait encore pus de cartes en main.

Quand un nouveau référendum pourrait-il intervenir? Les dirigeants indépendantistes écossais "n'organiseront rien tant qu'ils ne seront pas certains de l'emporter", juge Michael Keating, qui occupe la chaire de politique écossaise à l'université d'Aberdeen, sans s'avancer sur un calendrier.

- L'Irlande du Nord aussi -

Il faudra aussi attendre de "savoir si le (prochain) Premier ministre cède à la demande" des Ecossais -qui pourrait déboucher sur l'éclatement du Royaume-Uni-, complète Malcolm Harvey, professeur de sciences politiques dans la même université d'Aberdeen.

Toutefois, soulignent les analystes, un nouveau référendum d'autodétermination ne déboucherait pas nécessairement sur une victoire des indépendantistes.

"Si une Ecosse indépendante rejoignait l'UE alors que l'Angleterre en sort, il y aurait une frontière entre les deux nations, avec les implications que ça peut avoir en termes de libre circulation", analyse Malcolm Harvey, pour qui cela pourrait dissuader les électeurs de voter pour l'indépendance.

De récentes enquêtes d'opinion ont quant à elles prédit une nouvelles défaite aux indépendantistes en cas de nouvelle consultation, pointe pour sa part Michael Keating.

En Irlande du Nord, qui comme l'Ecosse, a voté pour un maintien au sein de l'UE (à 55,7%), c'est le parti républicain d'Irlande du Nord, le Sinn Fein, pro-Europe, qui réclame un référendum portant sur l'unification de l'Irlande.

"Nous sommes entraînés dans le sillage d'un vote en Angleterre... Le Sinn Fein va maintenant faire pression pour un référendum sur la frontière", a dit le président du parti Declan Kearney.

Les partisans du maintien dans l'UE ont dit craindre le rétablissement des contrôles aux frontières avec la République d'Irlande voisine, ce qui serait synonyme notamment de tracasseries administratives pour les entreprises et les familles.

Sa reprise économique fragile après des décennies de conflit armé, soutenue par les milliards d'euros injectés par Bruxelles pour soutenir les accords de paix de 1998, risque aussi d'en pâtir.

Le Premier ministre irlandais Enda Kenny, conscient de la possible répercussion sur ces accords, a assuré que le sujet "sera une priorité particulière" de son gouvernement.

"Le gouvernement irlandais va faire de son mieux au cours des discussions à venir pour maintenir la zone de voyage commune" instaurée dans les années 1920 entre l'Irlande et le Royaume-Uni, a-t-il ajouté. Cet accord permet peu ou pas de contrôles à leurs frontières communes.

Avec AFP