La crise a éclaté en août 2015 avec le limogeage par M. Vaz de son Premier ministre de l'épqoue, Domingos Simoes Pereira, chef du PAIGC. Elle inquiète d'autant plus la communauté internationale que les élections de 2014 avaient marqué un retour progressif à l'ordre dans ce pays secoué par des tentatives de putsch à répétition.
Le Parlement a été bloqué pendant deux ans, jusqu'à la désignation en avril 2018 d'un Premier ministre de consensus chargé d'organiser ces élections, grâce à une médiation de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
Lire aussi : Législatives en Guinée-Bissau pour trancher trois ans de crise au sommet de l'EtatCette paralysie a empêché le vote du budget, aggravant encore les retards de paiement des fonctionnaires. Ces arriérés de salaires sont une source perpétuelle de grèves dans cette ex-colonie portugaise, et l'instabilité y favorise l'implantation de narcotrafiquants, sous la protection de hauts gradés.
Quelques heures avant le vote dimanche, quelque 800 kg de cocaïne ont été saisis dans un camion immatriculé au Sénégal, destinés à transiter par le Mali, selon des sources policières. Cette cargaison doit être incinérée jeudi, selon des sources officielles.
Avec 46,1 % des voix et 47 sièges sur 102, le PAIGC (Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert) manque de peu la majorité absolue, selon les résultats annoncés par la Commission nationale des élections (CNE).
Mais il a fait alliance avec des formations totalisant sept sièges, dont cinq pour l'APU-PDGB (Alliance populaire unifiée-Parti démocratique de Guinée-Bissau) de Nuno Gomes Nabiam. La formation de ce candidat à l'élection présidentielle de 2014, battu au second tour, peut ainsi faire basculer dans un sens ou dans l'autre la majorité absolue d'une Assemblée très polarisée.
- "Le pays va démarrer" -
En face, le Madem-G15, formé par 15 députés frondeurs du PAIGC, qu'ils ont amputé de sa majorité dans l'Assemblée sortante, et le Parti pour la rénovation sociale (PRS), réputé proche d'une partie de la hiérarchie militaire, cumulent 48 sièges (respectivement 27 et 21).
Ces deux formations liées par un accord politique constitueront ainsi un important bloc d'opposition, avec le soutien implicite du président Vaz, issu du PAIGC. Celui-ci avait tenté lors de la législature précédente de s'appuyer sur elles pour former une majorité alternative.
Ces résultats provisoires, qui devront encore être validés par la Cour suprême, représentent "un début de solution à la crise", a estimé l'analyste politique Rui Landim. "On n'aura pas de problème de rejet du budget ou de la déclaration de politique générale du gouvernement", comme ces dernières années, a-t-il déclaré à l'AFP.
"Il n'y a pas de contestation pour l'instant", a indiqué le président de la CNE, Pedro Sambù, lors de l'annonce des résultats. La participation a dépassé les 84 %, selon la Commission.
Dès que les résultats provisoires ont été connus, des centaines, puis des milliers de partisans du PAIGC, essentiellement des jeunes, ont convergé vers le siège de cette formation, face à la présidence, pour fêter la victoire, au son de casseroles, flûtes, tam-tams et des klaxons de voitures. L'ambiance de carnaval s'est prolongée jusque dans la soirée.
"Grâce à Dieu, DSP (Domingos Simoes Pereira, NDLR) a remporté les élections législatives, le pays va pouvoir enfin démarrer et toutes les affaires seront en marche", s'est réjouie une sympathisante, Guillermina Baré.
Mais le Madem a annoncé son intention de contester les résultats dans les 48 heures. "Tant que les résultats ne seront pas définitifs, on ne peut pas parler de victoire du PAIGC", a affirmé dans la soirée Aristide Ocante Da Silva, vice-coordonnateur du parti.
Si le PAIGC parvient à former un gouvernement, une nouvelle cohabitation conflictuelle risque de s'instaurer avec M. Vaz. Une élection présidentielle est prévue d'ici à la fin juin, dans ce régime hybride faisant exception en Afrique de l'Ouest, où le présidentialisme est la norme.
"Rien ne dit que ces élections permettront de résoudre les problèmes qui minent le pays", avait prévenu en décembre le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. Il disait souhaiter que la révision future de la Constitution, appuyée par la communauté internationale, clarifie les rôles respectifs des deux têtes de l'exécutif.
Avec AFP