Sécheresse, Covid-19, afflux de blessés dans les hôpitaux, centaines de milliers de déplacés : tous les voyants sont au rouge dans le pays, l'un des plus pauvres du monde, dont l'économie, ravagée par quatre décennies de guerre, dépend largement d'une aide internationale quasiment suspendue.
Au total, 18 millions de personnes se trouvent déjà dans une situation humanitaire désastreuse en Afghanistan et ce nombre pourrait prochainement doubler, selon l'ONU. La population afghane est estimée à 35 à 40 millions d'habitants.
Mardi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a tiré la sonnette d'alarme en mettant en garde contre "une catastrophe humanitaire" et "la menace d'un effondrement total des services de base".
Sur le terrain, l'heure est à l'incertitude pour les ONG, qui tentent d'obtenir des garanties sur la continuité de leurs programmes.
"Nos équipes sur le terrain ont déjà engagé des discussions avec les talibans dans de nombreuses provinces", indique Michelle Delaney, porte-parole du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC). "On nous a demandé à chaque fois de continuer à faire notre travail".
- Négociations -
D'autres ONG ont confirmé être en discussion avec les talibans afin de poursuivre leurs opérations ou avoir reçu des garanties de sécurité pour poursuivre leurs programmes existants.
En 2019, les talibans avaient suspendu l'autorisation de travailler donnée à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et au Comité international de la Croix rouge (CICR) dans les districts qu'ils contrôlaient, avant de la rétablir. Une sanction déjà infligée au CICR pendant de longs mois en 2018.
Les insurgés d'alors exigeaient notamment des modifications de la campagne de vaccination contre la polio, perçue par certains d'entre eux comme une conspiration occidentale visant à stériliser les enfants musulmans ou à porter atteinte en leur foi en l'islam. L'Afghanistan est le seul pays au monde avec le Pakistan où la poliomyélite reste endémique.
Plusieurs travailleurs humanitaires rappellent aussi que les talibans avaient demandé, plus tôt cette année, de stopper les projets aidant les femmes à gagner en autonomie et empêché l'accès aux territoires qu'ils contrôlaient à leurs collègues femmes.
"Tout le monde se demande ce qui va se passer", confie Marianne O'Grady, directrice adjointe de CARE Afghanistan. Jusqu'à présent les travaux de l'ONG, qui promeut l'autonomie des femmes, n'ont pas été entravés, précise-t-elle.
La sécurité des missions se pose également, sur l'un des terrains les plus dangereux pour les travailleurs humanitaires.
Le 3 octobre 2015, en plein combat entre islamistes et armée afghane, un avion américain avait bombardé l'hôpital de Médecins sans frontières (MSF) à Kunduz (nord). Bilan: 42 morts, dont 24 patients et 14 membres de l'ONG.
En juin dernier, 10 démineurs afghans, employés par l'organisation britannique HALO Trust, avaient été tués dans la province de Baghlan (nord) par le groupe jihadiste Etat islamique.
- Risque de pénurie -
Pas de quoi décourager les ONG dont plusieurs, notamment celles travaillant déjà dans des zones talibanes, assurent n'avoir aucune intention de revoir leur présence à la baisse.
"Les changements en Afghanistan n'ont pas modifié notre relation avec les talibans et la situation actuelle ne change pas notre façon d'agir", assure Florian Seriex, porte-parole du CICR.
D'autres humanitaires étrangers, qui ont quitté le pays fin août, expriment pour leur part le souhait d'y retourner.
Le temps presse et le pays pourrait être confronté à une pénurie de fournitures médicales dans les mois à venir, prévient le représentant de MSF en Afghanistan, Filipe Ribeiro.
D'autant que les mesures prises contre le nouveau coronavirus laissent à désirer : à peine 1% de la population afghane avait été totalement vaccinée contre le Covid-19 le mois dernier, selon les données recueillies par l'AFP.
Le gel des réserves nationales afghanes, détenues à l'étranger, et celui de l'aide internationale font enfin planer une menace sur la poursuite des opérations humanitaires à moyen, si ce n'est à court terme.
"La question qui se pose à nous tous, c'est de savoir quel va être l'avenir de l'aide humanitaire dans ce pays", s'inquiète Marianne O'Grady de CARE.