En Afrique du Sud, les hôpitaux prêts mais inquiets en attendant la vague du Covid-19

Un lit d'hôpital pédiatrique à l'hôpital pour enfants Nelson Mandela à Johannesburg, Afrique du Sud, le 2 décembre 2016.

Les grandes tentes vertes sont dressées dans la cour de l'hôpital Charlotte Maxeke de Johannesburg, prêtes à accueillir leurs patients. Mais la docteure Feroza Motara reste inquiète. Ses troupes résisteront-elles à la vague attendue de cas de coronavirus ?

"Le confinement nous a donné l'occasion de refaire le plein de matériel de protection, de réorganiser nos chambres et d'entraîner le personnel", résume pour se rassurer la cheffe du service des urgences de l'établissement.

"Mais le défi, c'est ce qui va se passer quand le confinement sera levé", ajoute aussitôt la docteure Motara.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé la levée très progressive à partir de vendredi du confinement imposé à ses 57 millions de compatriotes le 27 mars.

Avec près de 4.800 cas de contamination dont 90 mortels, selon le dernier bilan officiel, le pays reste le plus touché par la pandémie de Covid-19 en Afrique. Autorités et épidémiologistes se félicitent d'avoir réussi, grâce au confinement, à freiner sa progression.

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Mais aucun d'entre eux n'en doute. La reprise, même très encadrée, de l'économie et des activités de la population va faire remonter la courbe qui symbolise la dynamique de la maladie.

Le principal conseiller du gouvernement sur la crise sanitaire, le Dr Salim Abdool Karim, prédit un pic du nombre de cas en Afrique du Sud en juillet, à un niveau qu'il ne s'est pas hasardé à préciser.

"Nous avions besoin d'un peu de temps pour nous (le système de santé) préparer", estime-t-il, "on n'en a jamais assez (...) mais je crois qu'on a fait le maximum".

- "Comment va-t-on réagir ?" -

Désigné comme un des trois centres d'accueil des malades du Covid-19 pour la province du Gauteng, la plus peuplée du pays, l'hôpital Charlotte Maxeke a tiré la leçon des premières heures de l'épidémie.

A l'époque, il avait été submergé par un afflux de patients inquiets venus se faire dépister.

"Nous avons agrandi les capacités des urgences en installant des tentes à l'extérieur", détaille la responsable des personnels infirmiers du service, Nosipho Dlamini. "On s'est aussi installé aux urgences pédiatriques et on a récupéré des lits en gynécologie".

Ce remodelage a permis de faire de la place à 400 lits dédiés à l'épidémie, dont 150 équipés pour la réanimation des patients les plus gravement atteints.

L'objectif des responsables de l'hôpital est clair. Eviter, autant que possible, d'être à nouveau débordés.

"Quand vous voyez ce qui se passe au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, dont on pourrait penser qu'ils ont assez de ressources", remarque la Dre Motara. "Regardez comment ils ont été submergés (...) ça fait un peu peur de se demander comment nous allons réagir".

Plus de 80% de la population sud-africaine ne dispose d'aucune assurance santé, selon les statistiques officielles, et compte exclusivement sur les hôpitaux publics, et gratuits, pour se faire soigner.

Mais comme de nombreux services publics du pays, le secteur de la santé souffre d'un manque criant de moyens, tant en personnels qu'en équipements modernes, de mauvaise gestion et de corruption.

Son ministre, Zweli Mkhize, a toutefois assuré qu'au moins 87.000 lits étaient disponibles dans les établissements publics pour accueillir les malades du Covid-19. Il a aussi annoncé l'ouverture de plus de 23.000 lits dans 288 sites de quarantaine répartis sur tout le territoire.

- "On a signé pour ça" -

Une nécessité incontournable, selon l'infirmière Nosipho Dlamini. "Pas mal de patients hospitalisés ici le sont non pas parce qu'ils sont malades, mais parce qu'ils ne peuvent pas s'isoler pour des raisons sociales".

Pour des millions de Sud-africains pauvres, le confinement et la distanciation sociale dans leurs townships délabrés, surpeuplés et souvent privés d'eau, d'électricité et d'accès aux égouts relève de l'illusion.

A l'autre extrémité du spectre social, le système de santé privé du pays, très performant, s'est lui aussi préparé à un afflux de malades. Avec d'autres moyens.

Patron du réseau Netcare, le numéro 1 de la santé privé en Afrique du Sud, Anchen Laubscher a indiqué avoir investi l'équivalent de 8 millions de dollars pour "renforcer la préparation" de ses 1.200 lits de réanimation et 16 autres millions pour acheter masques, gants, lunettes et blouses de protection.

"Tous ceux qui travaillent dans les établissements Netcare seront équipés en matériel de protection", assure-t-il.

Leurs collègues de Charlotte Maxeke ont fait eux aussi le plein de matériel. Mais ils redoutent déjà que ce ne soit pas suffisant. "Est-ce qu'on aura assez de matériel de protection ? De médicaments ? De respirateurs ?", ne cesse de s'inquiéter la Dre Motara.

"Si les cas augmentent très vite malgré nos efforts, je pense que notre système de santé de tiendra pas le coup", avoue sans fard le Dr Karim.

Alors l'urgentiste de l'hôpital Charlotte Maxeke Jana du Plessis se rassure comme elle peut. "Nous sommes tous inquiets mais nous avons un travail à faire", assure-t-elle. "Nous avons signé pour ça. Tous les soignants en première ligne vivent avec l'idée qu'ils courent des risques".