Merkel entame un quatrième mandat dans la douleur en Allemagne

La chancelière allemande Angela Merkel, à Berlin, le 12 mars 2018.

La chancelière allemande Angela Merkel va enfin être reconduite dans ses fonctions, un quatrième mandat qu'elle attaque affaiblie et avec six mois de retard face aux défis populiste et de la réforme de l'UE.

Les députés élus le 24 septembre doivent l'élire chancelière en début de matinée. Puis elle prêtera serment, avant un premier conseil des ministres de ce gouvernement rajeuni et quasiment paritaire.

La cérémonie marquera la fin d'un longue quête de majorité. Au final, c'est la coalition sortante et mal-aimée réunissant conservateurs (CDU/CSU) et sociaux-démocrates (SPD) qui est reconduite. Jamais depuis l'instauration de la démocratie, l'Allemagne n'avait eu besoin d'autant de temps pour se trouver un gouvernement.

Mme Merkel devra aussi diriger un pays profondément bouleversé par l'essor historique de l'extrême droite, le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) étant depuis les législatives la première force d'opposition du pays avec 92 députés. Ce mouvement a su capitaliser sur les déçus du centrisme de la chancelière et ceux outrés par sa décision en 2015 d'ouvrir le pays à des centaines de milliers de demandeurs d'asile.

'Clarté' en Europe

Pour nombre d'observateurs, elle attaque donc probablement à 63 ans son dernier mandat. Et certains lui prédisent même une fin prématurée, Mme Merkel ayant été malmenée ces dernières années jusque dans ses rangs conservateurs. Le SPD a quant à lui prévu un bilan d'étape de la coalition dans 18 mois.

"C'est tout a fait possible que cette coalition ne tienne pas quatre ans", résume sous couvert de l'anonymat un proche de la chancelière.

Le ministre désigné des Finances et poids lourd social-démocrate, Olaf Scholz a d'ailleurs reconnu que ce gouvernement n'était pas le fruit d'"un mariage d'amour". Mais il a promis que les alliés étaient "en situation de travailler ensemble et de gouverner convenablement".

En Europe, on espère en tout cas que la première puissance économique du continent sera vite en ordre de bataille. Angela Merkel doit en effet rassurer ses partenaires sur sa capacité à agir alors que l'Union européenne (UE) est ébranlée par le Brexit, le repli sur soi de certains membres et la popularité croissante des partis anti-système.

La réforme de l'UE figure d'ailleurs en haut de la feuille de route du nouvel exécutif allemand. Angela Merkel, flanquée du nouveau ministre des Affaires étrangères, le social-démocrate Heiko Maas, a promis de se hâter pour redonner à l'Allemagne une "voix forte" en Europe.

Dans les prochains jours, elle ira à Paris pour discuter avec le président français Emmanuel Macron de ses propositions de réforme de l'UE, notamment la mise sur pied d'un budget dans la zone euro, accueillie avec peu d'enthousiasme par Berlin.

Défis du XXIe

"Nous n'arriverons certainement pas à détailler chaque facette des 20 prochaines années de la zone euro, mais nous allons pouvoir apporter de la clarté sur ce qu'on considère comme la prochaine étape", a promis Mme Merkel lundi, en amont du Conseil européen des 22 et 23 mars.

En Allemagne, la stabilité rassurante longtemps incarnée par cette fille de pasteur a fini par se retourner en partie contre elle. Pour certains, elle a mis en danger le pays en l'ouvrant aux demandeurs d'asile musulmans, pour d'autres elle incarne l'immobilisme dans un monde en changement.

Face à la menace grandissante de l'AfD, Angela Merkel a dû donner des gages à l'aile la plus à droite de son parti, promettant de plafonner les arrivées de migrants et en accordant une place au gouvernement à son principal critique de la CDU, l'ambitieux Jens Spahn.

Enfin, son gouvernement a promis d'être celui des "petites gens" et non celui des élites, selon le ministre désigné de l'Intérieur, Horst Seehofer.

Il s'agira en particulier d'accompagner une population en perte de repères dans la mondialisation et la numérisation accélérée de l'économie, des facteurs de l'essor des extrêmes en Occident.

"Lorsqu'on regarde l'élection de (Donald) Trump, le Brexit, les succès des partis d'extrême droite en Europe (...) nous voyons l'urgence de trouver de nouvelles réponses aux défis du XXIe siècle", a insisté M. Scholz.

Avec AFP