La victime dirigeait le monastère Saint-Macaire de Scété situé au cœur des plaines poussiéreuses de Wadi el-Natrun, à quelque 80 kilomètres du Caire.
C'est ici qu'au détour d'un couloir, deux moines coptes se sont rués fin juillet sur l'évêque Epiphanius, 68 ans, qui se rendait à la messe, selon l'accusation.
Isaïe al-Makari le frappe alors trois fois à la tête avec une barre métallique tandis que Philotheos al-Makari assiste sans broncher à la scène, d'après les charges retenues contre ces moines cités sous leur nom ecclésiastique.
Lire aussi : Deux moines vont être jugés pour le meurtre d'un évêque en EgypteCe meurtre propulse sous les feux des projecteurs un clergé généralement discret et agite la communauté chrétienne la plus nombreuse du Moyen-Orient.
Les Coptes représentent en effet 10% des plus de 96 millions d'Egyptiens. Faiblement représentés au gouvernement, ils se disent marginalisés et sont depuis longtemps la cible de violences, aggravées avec la montée en puissance des jihadistes.
"Le meurtre d'un évêque par deux moines au sein d'un monastère va propager une onde de choc à travers la communauté", estime Samuel Tadros, analyste à l'institut Hudson à Washington.
"Les membres du clergé copte ne sont pas seulement considérés comme des fonctionnaires religieux, mais comme les pères de la communauté".
"Rancune personnelle"
Plusieurs semaines après la découverte du corps de l'évêque Epiphanius, les raisons de sa disparition restent mystérieuses.
Isaïe al-Makari, de son nom civil Waël al-Saad, a avoué avoir commis le meurtre en raison de "désaccords", a affirmé le procureur sans donner plus de détails.
Ayant déjà fait l'objet de sanctions disciplinaires, il a été rapidement défroqué après la découverte du corps.
L'autre accusé, Philotheos al-Makari, aurait commis, selon un média officiel, deux tentatives de suicide et aurait été un temps hospitalisé. Une information qui n'a pas été confirmée de source indépendante.
Lire aussi : Six jihadistes tués à la veille de fêtes religieuses en EgypteLes deux sont actuellement en détention.
"Nous en savons très peu. L'Eglise et les institutions officielles n'ont pas fait beaucoup de commentaires", observe Shady Lewis Botros, chercheur égyptien basé à Londres. "La rancune personnelle est une explication tout à fait plausible".
L'Eglise a fourni peu de détails sur le meurtre, faisant valoir que l'enquête était aux mains de la justice. "Il n'est pas dans notre intérêt de couvrir les actes répréhensibles", a déclaré le pape copte orthodoxe Tawadros II, en parlant de "crime".
Ce meurtre a néanmoins mis en lumière des désaccords de longue date et les luttes de pouvoir au sein de l'Eglise.
Les positions de l'évêque Epiphanius, qui appelait à se consacrer aux seules questions spirituelles et remettait en question le legs de l'ancien chef de l'Eglise, ont parfois agacé certains de ses coreligionnaires.
Mais les querelles internes, dont celle qui a peut-être conduit au meurtre, ne concernent pas toutes des questions de dogme.
"La plupart des conflits sont limités et sont liés aux allégeances, au partage du pouvoir, au prestige ou à des questions financières", explique Shady Lewis. "Le dogme joue un rôle, bien sûr, mais l'essentiel reste la lutte pour le pouvoir à l'intérieur de l'Eglise".
Ses dirigeants, sous l'influence du pape Tawadros II, ont adopté plusieurs mesures après le meurtre: suspension de l'intégration de nouveaux moines pour un an, renforcement des contrôles financiers et interdiction pour les nouveaux clercs de s'exprimer sur les réseaux sociaux.
Tawadros II lui-même a supprimé son compte Facebook.
Menaces persistantes
Selon Jawal Assad, un penseur copte connu, le meurtre est un avertissement pour les responsables de l'Eglise, qui devraient engager des réformes et faire cesser les querelles.
"Durant les funérailles de l'évêque, le pape Tawadros II a rappelé aux moines qu'ils ne devaient pas obéir à telle ou telle personne et qu'ils étaient avant tout membres d'un monastère", explique-t-il.
Ce drame est le dernier en date à frapper les coptes d'Egypte, cibles surtout d'attaques d'organisations extrémistes.
Comme d'autres minorités en Egypte, les représentants coptes ont affiché leur soutien à Abdel Fattah al-Sissi, qui a évincé le président islamiste Mohamed Morsi en 2013, alors qu'il était chef de l'armée.
Si le meurtre de l'évêque met peut-être à mal l'image de l'Eglise, la communauté copte se ralliera toujours derrière celle qui assure entre autres le contact avec les autorités.
"La vie ici est plus difficile pour les chrétiens", affirme à l'AFP Peter Fangary, un comptable de 30 ans exprimant l'espoir de quitter l'Egypte un jour, en partie à cause des pressions liées à sa religion.
A propos du meurtre, il dit: "Satan peut écarter n'importe qui du droit chemin. Il est capable de pousser au meurtre".
Avec AFP