En Syrie, le "califat" chancèle mais ses partisans rêvent d'un retour sanglant

Des éléments des Forces démocratiques syriennes (FDS) procède à un ratissage dans le dernier réduit du groupe Etat islamique (EI) à Baghouz, dans l'est de la Syrie, le 6 mars 2019.

"On se vengera, il y aura du sang", le groupe Etat islamique (EI) "va rester et s'étendre". En fuyant son ultime réduit dans l'est syrien en passe, des jihadistes promettent un retour en force de l'organisation ultraradicale en passe d'être vaincue.

Des milliers de personnes, dont de plus en plus d'éclopés et de blessés continuent d'abandonner la petite poche de l'EI dans le village de Baghouz, aux confins orientaux de la Syrie. Parmi eux, de nombreux hommes et femmes refusent de reconnaître la défaite inéluctable des derniers jihadistes acculés.

Faisant mine de jeter leurs chaussures, près d'une dizaines de femmes prennent à parti les journalistes, lançant des pierres sur les caméras.

"Nous sommes sortis mais il y aura de nouvelles conquêtes", "l'Etat islamique va rester et s'étendre", "on se vengera et il y aura du sang jusqu'aux genoux", hurlent-elles.

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Après avoir passé la nuit à l'extérieur près de Baghouz, sur une position des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui mènent l'offensive contre les jihadistes, ces femmes seront transférées vers les camps de déplacés du nord-est syrien.

"Tu ne lis pas le Coran? Tu n'as pas honte?" lance l'une d'entre elles, agrippant la tresse d'une journaliste aux cheveux découverts. "Dieu maudisse la femme qui ressemble à un homme", crie une autre.

D'autres femmes, assises par petits groupes à même le sol, se montrent plus discrètes.

Mais, lorsqu'elles sont interrogées par l'AFP, elles reprennent le même discours: "On attend la victoire, si Dieu le veut", clame ainsi Oum Mohamed, 47 ans, originaire de la province d'Al-Anbar en Irak.

- "Résolue et radicalisée" -

"Les vauriens et les peureux sont sortis, et nous (les femmes) sommes parties parce que nous étions un fardeau pour les hommes", explique-t-elle.

Interrogée sur le sort de son mari, membre de l'EI, Oum Mohamed marque une hésitation, puis dit: "Qu'il soit vivant ou mort, je remercie Dieu".

Non loin de là, des femmes font leurs prières quotidiennes, d'autres lisent le Coran. Couvert de poussière, un sac à dos sur les épaules, un jeune garçon chantonne en souriant un chant religieux à la gloire de l'EI.

"L'Etat du califat ne va pas disparaître, il est imprimé dans les cerveaux et les coeurs des nouveaux-nés et des petits" ayant fui Baghouz avec leurs mères, assure une sexagénaire qui refuse de donner son nom.

Après une montée en puissance fulgurante en 2014, les jihadistes avait proclamé un "califat" à cheval sur de vastes régions conquises en Syrie et en Irak, attirant des milliers d'étrangers.

L'EI avait imposé son règne de la terreur à des millions de personnes, établissant sa propre administration: monnaie frappée, collecte des impôts, police des moeurs, programmes pédagogiques dans les écoles, rien ne manquait à ce proto-état.

Mais au terme de multiples offensives, les jihadistes ont tout perdu. Sauf, visiblement, la fidélité de leurs disciples.

"La population de l'EI qui est évacuée des derniers vestiges du califat reste largement impénitente, résolue et radicalisée", confirmait jeudi le chef des forces américaines au Moyen-Orient, le général Joseph Votel.

Sur la position des FDS, les hommes soupçonnés d'appartenance à l'EI sont rapidement isolés, après avoir été fouillés et interrogés.

- Baghdadi "notre modèle" -

En voyant les journalistes affluer, un homme se met debout, malgré une blessure au pied. Il s'époumone, dénonçant le "terrorisme" de la coalition internationale et ses frappes.

"Je me suis rendu à cause de ma blessure. Mais j'ai accompagné l'Etat islamique depuis le début", indique-t-il à l'AFP.

A côté, Abdel Moneim Najia ne cache pas lui non plus son soutien à l'EI, tout en confiant ses désillusions.

"La loi de Dieu était appliquée", justifie-t-il. "Mais il y avait des injustices, des dirigeants ont volé l'argent et abandonné le peuple", déplore-t-il.

D'après lui, nombreux sont ceux qui ont fait défection, trouvant le moyen de fuir notamment vers l'Irak ou vers la Turquie.

"A chaque fois on entendait que l'émir untel a abandonné le groupe", ajoute-t-il. "Et nous on est resté, jusqu'à ce que les balles sifflent au-dessus de nos têtes", souligne-t-il.

L'homme ne cache pas sa déception vis-à-vis du "calife" Abou Bakr al-Baghdadi, dont le sort demeure inconnu.

"Il nous a confié à des gens qui nous ont laissé tomber. C'est lui qui est responsable, à nos yeux il est notre modèle", dit-il.

S'il a mis autant de temps à sortir, c'est parce que ses cousins étaient des combattants de l'EI et qu'il craignait être arrêté par les FDS.

Âgé de 30 ans, il parait bien plus âgé avec sa barbe et ses cheveux grisonnants. Malgré les déconvenues, il continue de souhaiter de nouvelles "conquêtes" pour le "califat islamique" et son chef Baghdadi.

Avec AFP