"Ni peur ni terreur, le pouvoir est entre les mains du peuple", scandaient les manifestants, qui étaient environ 800 à défiler sur l'avenue principale de Tunis, selon les journalistes de l'AFP. La Tunisie s'apprête à choisir son nouveau président dimanche dans un climat tendu pour une société civile qui dénonce des atteintes croissantes aux droits et libertés depuis que M. Saied, élu démocratiquement en 2019, s'est emparé des pleins pouvoirs à l'été 2021. Depuis le printemps 2023, des dizaines d'opposants dont des figures de proue ont été arrêtés pour des accusations graves de "complot contre la sûreté de l'Etat". Des syndicalistes, avocats ou commentateurs politiques sont également emprisonnés en vertu notamment d'une loi controversée sur les "fausses nouvelles". Les associations se plaignent aussi de contrôles accrus sur les financements étrangers qu'elles reçoivent.
Selon Human Rights Watch, "plus de 170 personnes sont actuellement détenues pour des motifs politiques ou pour avoir exercé leurs droits fondamentaux". "La rue est encore active pour dénoncer les atteintes aux libertés et aux droits humains deux jours avant les élections", a souligné Bassem Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH). "Nous sommes sortis pour dénoncer le bafouement des libertés, de la démocratie, des acquis de la Révolution notamment la liberté d'expression et la liberté du travail associatif", a-t-il ajouté.
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Dans une démonstration de force, la police avait mobilisé des unités anti-émeutes et des camions à eau pour encadrer le défilé. Les protestataires, dont beaucoup de jeunes militants des droits humains et des artistes, ont appelé au boycott de la présidentielle "mascarade" de dimanche. Pour Leila Chebbi, une actrice, "Kais Saïed a piétiné les libertés". "Je boycotte des élections qui enfreignent la loi et ne sont pas légitimes".
Les manifestants ont qualifié le président Saied de "pharaon manipulateur de la loi" après un processus de sélection des candidats - seulement trois sur 17 initialement - décrié pour des parrainages difficiles à obtenir, l'emprisonnement de candidats potentiels et l'éviction d'autres prétendants sérieux. "Pays de répression et dictature", "Fête électorale transformée en coup d'Etat", pouvait-on lire sur des pancartes de manifestants. "Liberté, liberté", beaucoup appelaient à la "chute du régime", le slogan phare du soulèvement populaire et de la Révolution ayant fait chuter le dictateur Zine El Abidine Ben Ali en 2011.