Est-ce le début de la fin pour la CPI?

Les députés burundais viennent d'approuver la demande de sortie de la CPI, à Bujumbura, Burundi, le 12 octobre 2016. (VOA/Christophe Nkurunziza)

Après les décisions similaires du Burundi et de l'Afrique du Sud, la Gambie est le troisième pays à annoncer son retrait de la Cour pénale internationale (CPI).

Ce nouveau départ constitue un revers personnel pour la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, de nationalité gambienne, qui a été ministre de la Justice du président Yahya Jammeh.

Est-ce le début de la fin pour la CPI ?

Selon les experts, ces départs ne signifient pas pour autant la "mort" de ce premier tribunal permanent chargé de juger les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocides.

"La justice internationale, tout comme la CPI, a toujours eu des hauts et des bas: elle ne va pas disparaître", a assuré à l'AFP Alex Whiting, professeur de droit à l'université d'Harvard.

"Prévu dans le traité", le retrait de la Cour envoie "un message fort", d'après Aaron Matta, chercheur au sein de l'Institut de La Haye pour une justice mondiale. "Mais au final, la CPI existe pour les victimes et non pour ceux au pouvoir qui décident de ratifier ou non un traité."

Ces décisions vont-elles provoquer une vague de départs ?

S'il semble que le vote du parlement burundais "a ouvert la vanne", selon M. Whiting, et que plusieurs autres Etats ont déjà suggéré leur retrait, comme le Kenya, l'Ouganda ou la Namibie, cela ne signifie pas que de nombreux autres pays claqueront la porte de l'institution à leur tour.

"Certains Etats du continent africain croient toujours que la CPI est une institution utile pour eux", a précisé Mark Kersten, chercheur en droit pénal international à l'université de Toronto, évoquant la récente demande du Gabon d'ouvrir une enquête.

"C'est très improbable de voir un retrait à l'échelle du continent", a-t-il ajouté, soulignant le soutien du Mali, du Botswana ou encore de la République démocratique du Congo (RDC).

Sur les 124 Etats qui ont ratifié le Statut de Rome, fondateur de la CPI, depuis 1999, 34 sont africains.

Cela signifie-t-il la fin des 10 enquêtes ?

Non. Les enquêtes menées par la CPI se trouvent toutes dans d'autres pays que ceux annonçant leur retrait.

Et même si ces pays décidaient de quitter la Cour, le Statut de Rome prévoit "que cette action prend effet un an après la date à laquelle la notification a été reçue" et que le retrait "n'affecte en rien la poursuite de l'examen des affaires que la Cour avait déjà commencé à examiner avant la date à laquelle il a pris effet". Les obligations financières et de coopération ne sont pas non plus affectées.

Qu'en est-il en dehors de l'Afrique ?

La CPI ne concentre pas ses enquêtes uniquement sur le continent africain.

La procureure a récemment ouvert une enquête sur la guerre d'août 2008 ayant opposé Géorgie et Russie en Ossétie du Sud, sa première en dehors de l'Afrique. Et elle continue de mener des examens préliminaires en Colombie, Afghanistan, Irak et Palestine, notamment.

Pour M. Kersten, ces retraits ont lieu "au moment même où la Cour semble élargir son intérêt dans les crimes les plus difficiles à poursuivre en dehors de l'Afrique, dans des endroits où des Etats occidentaux sont impliqués".

Depuis longtemps, la CPI fait face à des accusations de "chasse raciale" mais pour les experts, le sujet est clair: la CPI n'agit que là où elle a compétence, soit de la propre initiative de la procureure dans un Etat membre, comme au Kenya, ou suite au renvoi d'une situation par un Etat membre.

La CPI ne peut enquêter dans un pays non membre qu'avec l'autorisation du Conseil de sécurité de l'ONU, comme pour le Darfour (2005) et la Libye (2011), ou quand un pays reconnaît la compétence de la Cour pour une période déterminée, comme dans le cas de l'Ukraine pour des crimes qui auraient été commis entre novembre 2013 et février 2014.

Ainsi, référer la situation en Syrie, pays qui n'a pas reconnu la Cour, à la CPI est devenu hautement politique alors que des tentatives en ce sens ont été bloquées au Conseil de Sécurité de l'ONU en 2014 par la Russie et la Chine.

Avec AFP