L'Ethiopie annonce de nouvelles restrictions dans le cadre de l'état d'urgence

La chancelière allemande Angela Merkel, à gauche, est accueillie par le Premier ministre Hailemariam Desalegn, à Addis Abeba, Ethiopie, le 11 octobre 2016.

Le gouvernement éthiopien a annoncé une trentaine de mesures dans le cadre de l'état d'urgence décrété le 9 octobre, imposant notamment de sévères restrictions pour les déplacements dans le pays et interdisant la consultation de certains médias d'opposition basés à l'étranger.

Selon une liste publiée dimanche soir par le "poste de commande" instauré par l'état d'urgence et relayée par les médias locaux, les autorités ont instauré de larges "zones rouges" le long des frontières et autour des grands axes routiers, dans lesquelles les déplacements sont sévèrement contrôlés.

Les diplomates étrangers basés en Ethiopie ont par ailleurs interdiction de se déplacer au-delà d'un périmètre de 40 km autour de la capitale Addis Abeba, sauf autorisation spéciale.

Les autorités éthiopiennes ont décrété le 9 octobre l'état d'urgence pour une durée de six mois, pour tenter de juguler un violent mouvement de contestation antigouvernementale sans précédent depuis un quart de siècle, dont la répression a déjà fait des centaines de victimes, selon les organisations de défense des droits de l'homme.

"C'est un état d'urgence et il faut s'attendre à des mesures répressives", a déclaré à l'AFP sous couvert d'anonymat un diplomate occidental basé à Addis Abeba.

"Mais nous attendons aussi une ouverture de l'espace politique pour l'opposition comme annoncé par le président au Parlement", a-t-il ajouté. Or, "ce n'est pas ce à quoi nous assistons pour le moment".

Les directives imposent également des restrictions dans l'accès aux médias. Il est désormais illégal de consulter ou de diffuser sur les réseaux sociaux les informations données par deux médias d'opposition basés aux Etats-Unis, Ethiopian Satellite Radio and Television (ESAT) et Oromo Media Network (OMN).

Les partis politiques se voient par ailleurs interdits de "faire des déclarations à la presse pouvant inciter à la violence".

La liste publiée inclut également un couvre-feu entre 18h00 et 06h00 autour d'"intérêts économiques" stratégiques tels que les usines, fermes agricoles et institutions gouvernementales. Plusieurs entreprises étrangères ont été prises pour cible par les manifestants au cours des dernières semaines.

Vendredi, un journaliste de l'AFP a été arrêté et brièvement emmené au poste de police alors qu'il se trouvait dans le cadre de son travail dans une zone industrielle de Sebeta, au sud-ouest d'Addis Abeba.

"Nous redoutons que les autorités éthiopiennes utilisent les moindres prétextes pour empêcher les journalistes étrangers de faire leur travail durant l'état d'urgence", a déclaré lundi Will Davison, président de l'Association de la presse étrangère, un regroupement informel de correspondants étrangers basés en Ethiopie.

M. Davison a affirmé ne pas savoir si les journalistes étrangers seront encore autorisés à interviewer et citer les activistes et politiciens de l'opposition, et dit attendre des "clarifications" à ce sujet de la part des autorités.

L'internet mobile est par ailleurs coupé depuis près de trois semaines dans la majeure partie du pays, y compris à Addis Abeba. Une mesure déjà appliquée depuis plusieurs mois dans les régions oromo et amhara, en proie à un violent mouvement de contestation antigouvernementale.

Oromo et Ahmara représentent les deux principales ethnies du pays et forment plus de 60% de la population en Ethiopie. Les contestataires dénoncent la domination sans partage de la coalition au pouvoir depuis 25 ans et ce qu'ils estiment être une sur-représentation de la minorité des Tigréens aux postes-clés au sein du gouvernement et des forces de sécurité.

Avec AFP