Selon les Nations unies, 1,39 million d'enfants éthiopiens sont actuellement privés d'éducation à cause du conflit qui sévit dans la région du Tigré.
Comme les journalistes sont interdits d'accès au Tigré, la VOA a pu accéder à la région voisine d'Amhara, où les écoles commencent à rouvrir, après le retrait en décembre des forces tigréennes qui occupaient une grande partie de la région.
Mais l'occupation a laissé de profondes cicatrices. Dans la ville de Gashena, les habitants affirment que les forces tigréennes ont utilisé les salles de classe comme base. À leur départ, ils ont laissé des graffitis sur les murs, insultant le groupe ethnique Amhara et le Premier ministre éthiopien. On les accuse aussi d'avoir jeté des cadavres dans une fosse commune sur le terrain de l'école.
Le Front de libération du peuple tigré (TPLF) nie ces accusations et insiste sur une enquête indépendante.
Un élève, Ayten Mune, relate ce qu'il a vu après être retourné à l'école après le départ des forces tigréennes: taches de sang, bureaux cassés et ordinateurs cassés ici et là.
Le directeur adjoint de l'école, Getnet Habtamu, dit qu'il a dû mobiliser les autorités locales pour exhumer les corps des soldats et des civils tués pendant les combats, en raison de l'impact psychologique que cela avait sur les élèves.
Ramener les élèves à l'école était une toute autre affaire. Les enseignants ont dû faire du porte-à-porte pour les persuader de revenir.
Des enfants traumatisés
Plus au nord, près de la ville de Sekota, les Nations Unies offrent une scolarité aux enfants déplacés par le conflit, mais beaucoup d'entre eux, comme Bertukan Gebrat, ont été traumatisés par les combats.
La jeune fille dit que son frère a été tué dans une explosion alors qu'il jouait avec son ami et qu'elle avait vu beaucoup de mauvaises choses. "J'ai même vu des gens se faire tuer après avoir eu les membres coupés", se souvient-elle.
Selon Yasmine Sherif, directrice d'Education Cannot Wait, une organisation à but non lucratif financée par les Nations Unies, l'éducation peut jouer un rôle essentiel pour aider les enfants comme Bertukan et Mune à surmonter les traumatismes subis.
"Quand vous voyez des membres de votre famille, des parents, des frères et sœurs subir des viols, des meurtres, des blessures... un enfant sera logiquement traumatisé et c'est pourquoi la santé mentale et les services psychosociaux sont une autre composante très existentielle et vitale de l'éducation", confie-t-elle à la VOA l'ors d'un échange par visioconfrence à travers l'application Zoom.
Pour elle, tout comme la sécurité alimentaire et l'accès à l'eau sont essentiels pour les personnes déplacées par la guerre, l'éducation est essentielle à long terme pour permettre aux pays de se reconstruire et d'éviter de nouveaux conflits.
Pour les quelque 1,39 million d'élèves qui entament leur troisième année scolaire perturbée par la guerre au Tigré, les conséquences se feront probablement sentir pour le reste de leur vie.