Gagné par la fièvre du ballon rond, le pays-hôte n'imagine pas d'autre issue que le succès après l'exploit réalisé contre les quadruples champions du monde allemands en demi-finale (2-0).
Cette douce euphorie qui les berce depuis jeudi, les Français aimeraient la prolonger. Meurtrie par les attentats de 2015, plombée par un climat social toujours lourd, la France veut une parenthèse enchantée cet été.
L'engouement autour des Bleus montre que "les Français avaient besoin de se retrouver" même si "la vie reprendra son cours après", a jugé le président de la République François Hollande dans le Journal du dimanche à quelques heures de la finale.
La tradition nationale serait ainsi respectée avec une nouvelle victoire à domicile après 1984 (Euro) et 1998 (Mondial). Un tel succès s'ajouterait dans l'armoire à trophées à l'Euro-2000 gagné à Rotterdam.
Et la rédemption serait totale, six ans après le fiasco de Knysna et la grève de l'entraînement en pleine Coupe du monde 2010.
Chaque sacre des Bleus a eu son icône. Il y a 18 ans, le héros se nommait Zinédine Zidane. En 1984, il s'appelait Michel Platini. Ces deux monstres sacrés ont peut-être trouvé leur successeur avec Antoine Griezmann, alias "Grizou". Le joueur de l'Atletico Madrid, 25 ans, est le meilleur buteur de l'Euro avec six réalisations en six rencontres.
Deschamps contre Ronaldo
Les Bleus peuvent aussi se réfugier derrière leur éternel porte-bonheur. Il n'est pas sur le terrain, mais sur le banc: c'est le sélectionneur Didier Deschamps.
Le capitaine des champions du monde et d'Europe 1998 et 2000, visage de la gagne en France avec Zinédine Zidane, peut devenir le premier à rafler un Euro en tant que joueur titulaire et entraîneur. L'Allemand Berti Vogts, sélectionneur vainqueur de l'Euro-1996, était dans le groupe de la RFA championne d'Europe en 1972, mais n'avait pas joué.
"C'est un moment exceptionnel, privilégié, une chance unique parce qu'il y a un titre au bout. Mais je n'ai pas de pression, pas de stress mais de l'adrénaline", expose calmement Deschamps.
Invaincus contre les Portugais en phase finale de grand tournoi, les Français doivent toutefois éviter de bomber le torse trop tôt.
La Selecçao a essuyé des critiques pour son bloc hermétique, mais son coach Fernando Santos s'en moque: "Si le Portugal gagne sans le mériter, je vais rentrer très content chez moi". Et d'ajouter sur un ton bonhomme: "La France joue chez elle, c'est naturel qu'elle soit favorite. Mais le Portugal doit gagner".
L'élément-clé de cette confiance, c'est une superstar du foot mondial, une icône autant adulée pour son jeu que raillée pour des attitudes jugées arrogantes: Cristiano Ronaldo, qui rêve d'un premier titre majeur en sélection.
Le crack du Real Madrid a tout gagné en clubs mais reste bredouille en équipe nationale. A 31 ans, le play-boy multimillionnaire n'a pas le droit de laisser passer une occasion qui ne se représentera peut-être pas.
Pas de Champs-Elysées
Le triple Ballon d'Or en veut forcément un quatrième. Son but sur talonnade au 1er tour face à la Hongrie (3-3) et sa détente verticale phénoménale sur son coup de tête victorieux en demi-finale contre le pays de Galles de Gareth Bale (2-0) sont déjà parmi les images indélébiles de cet Euro.
Autre danger pour les Français: le retour attendu de Pepe. Forfait face aux Gallois à cause d'une blessure musculaire, le rugueux mais si efficace patron de la défense portugaise se dit "prêt à jouer".
Lui et ses coéquipiers évolueront quasiment à domicile: la communauté portugaise en France est estimée à 1,2 million de personnes (en comptant les binationaux et les descendants d'immigrés) et les liens entre les deux pays sont très forts.
Sécurité oblige, même si les joueurs français gagnent le titre, il n'y aura pas de parade sur les Champs-Elysées lundi, contrairement à 1998. Les célébrations pourraient avoir lieu sur l'avenue Foch, qui débouche elle aussi sur l'Arc de Triomphe, en partant de la porte Dauphine, à l'ouest de la capitale.
"On imagine qu'il y aura plus d'un million de personnes dans les rues, il faut qu'il y ait des espaces suffisamment larges et que ça se finisse à l'Arc de Triomphe (...), ça serait pas mal", a indiqué dimanche la maire de Paris Anne Hidalgo.
Un dispositif exceptionnel de sécurité est prévu dès dimanche avec 3.400 policiers et gendarmes déployés sur les Champs-Elysées pour l'après-match.
En 2004, Ronaldo avait 19 ans et avait pleuré après la finale de l'Euro perdue à Lisbonne face aux Grecs. Les Bleus ne veulent pas vivre ça chez eux. Qui sanglotera au coup de sifflet final?
Avec AFP