"Je ne parlerai pas tant que mon avocat ne sera pas là. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences!" plaisante-elle à propos de son rôle dans "Frontières", en compétition au Fespaco, réalisée par la Burkinabè Apolline Traoré.
Elle y incarne magistralement une femme désabusée et acariâtre qui montre peu à peu un visage plus sympathique.
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Ce long-métrage, qui met en scène quatre femmes traversant l'Afrique, du Sénégal au Nigeria, affrontant toutes sortes de difficultés (racket, accidents, vol, viol, assassinat, pauvreté), aborde justement une thématique chère à l'actrice qui a joué avec les plus grands réalisateurs africains et reçu de nombreux prix lors d'une carrière débutée en 1987.
Tourner "Frontières" a été "un grand plaisir pour moi qui suis une féministe et qui travaille au quotidien sur les droits des femmes, les violences", dit l'actrice.
'La femme porte l'Afrique'
"Les femmes du film sont des femmes que je rencontre au quotidien, qui font ce trajet, qui bousculent beaucoup de barrières. Ce film est un hymne à la femme, au combat de la femme africaine", assure-t-elle.
"En Afrique, c'est difficile de circuler. Ces femmes là, elles arrivent à créer des économies, à relier les cultures. Difficilement, mais elles y arrivent", souligne-t-elle.
"Avec la crise dans la plupart des familles, les hommes ne travaillent pas mais tous les jours, ces femmes se lèvent. Il y en a qui vont au marché, aux champs, au bureau. Et quand les messieurs et les enfants rentrent, il y a toujours quelque chose a manger", explique l'actrice.
"Je fais souvent référence à un film du grand réalisateur Idriss Diabaté: La Femme porte l'Afrique", poursuit-elle.
Elle estime qu'on pourrait améliorer les conditions de vie an Afrique à travers la femme.
"Il faudrait nous faire confiance. Ces femmes qui font le commerce, elles n'ont pas accès au crédit. Elles font leur économie entre elles, avec leurs tontines (sorte d'épargne collective tournante où chacun cotise et reçoit à tour de rôle) pour pouvoir se faire des fonds de commerce", rappelle-t-elle.
"C'est dommage qu'on ne fasse pas confiance aux femmes. On perd (...) notre économie. Elle sont dans le petit commerce, le petit business... Si on leur accordait des prêts, elles pourrait faire de grandes choses", assure-t-elle.
Elle souligne le courage de la réalisatrice qui a monté "Frontières": "On n'a jamais eu un projet comme ça en Afrique, qui traverse tous ces pays et réussit ce brassage culturel (...) pour que l'unité que nous prônons puisse être une réalité".
L'actrice a fondé à Marseille l'Afriki Djigui Theatri, un théâtre engagé qui travaille à la promotion de l'Afrique et mène des actions en faveur des défavorisés.
Naky Sy Savané regrette notamment que les Africains ne soient pas très présents sur les écrans français. "La France ne veut pas de notre figure. Je vis en France mais je ne fais pas les castings. Quand on m'appelle, je demande toujours si c'est pour un rôle. Si c'est pour faire de la figuration en France, je ne fais pas. C'est eux (le cinéma français) qui n'ont pas envie d'enrichir leur cinéma. C'est dommage pour eux. Il y a du talent partout. La France est un arc-en-ciel. On ne comprend pas pourquoi le pays se referme", conclut-elle.
Avec AFP