Benoît Hamon, candidat d'une "gauche totale" et d'un "futur désirable" en France

Benoit Hamon, après sa victoire à la primaire de la gauche, Paris, France, le 29 janvier 2017.

Benoît Hamon, bientôt 50 ans, a réussi à s'imposer pendant la primaire de la gauche en France face à des adversaires plus expérimentés, avec son programme de "gauche totale" matinée de transition écologique.

Ce politicien de carrière à la silhouette de jeune homme, que certains ténors socialistes ont surnommé le "petit Benoît", a su convaincre les électeurs de croire en son "futur désirable", à rebours de ceux qui le qualifient de "marchand d'illusions".

"Ce soir, la gauche relève la tête", a-t-il dit à l'annonce de sa victoire. "Notre pays a besoin d'une gauche moderne, innovante, tournée vers l'avenir, qui pense le monde tel qu'il est et non pas tel qu'il fut".

Posé, sérieux mais toujours détendu, celui qui refuse le concept même d'homme providentiel a assumé sans complexe d'être le candidat de "l'utopie" face à "l'hyperréalisme" défendu par l'ancien premier ministre Manuel Valls, qu'il a devancé au premier tour et largement battu au second.

"Le petit chose est devenu un grand machin", a relevé le quotidien de gauche Libération. Son registre : "+le renouveau, le rêve, l'inventif+, à grands renforts de statistiques... pour faire premier de la classe", résume Bertrand Perier, un professeur d'art oratoire.

Député de la région parisienne, ce Breton qui a passé une partie de son enfance à Dakar s'est fait connaître lorsqu'il est devenu ministre du président socialiste François Hollande. En désaccord avec ses orientations économiques, à ses yeux trop libérales, il a quitté le gouvernement avec fracas en 2014.

Ministre délégué à l'Economie sociale et solidaire et à la Consommation, il est à l'origine d'une loi qui a renforcé les droits des consommateurs. Il a ensuite été très brièvement ministre de l'Education, une fonction qu'il a abandonnée avant même sa première rentrée scolaire, suscitant l'ironie.

Ses détracteurs épinglent aussi ses 25 ans au coeur de l'appareil socialiste : il y adhère en 1987, devient en 1993 président Mouvement des Jeunes socialistes, puis porte-parole du parti en 2008. Lui-même reconnaît d'ailleurs avoir cette "image d'homme d'appareil".

'Autre politique'

À coups de propositions innovantes ce licencié d'histoire, fils d'un ouvrier devenu ingénieur et d'une secrétaire, entend refaire "battre le coeur" de nombreux désillusionnés, refusant de se restreindre aux questions de "sécurité, fermeté, identité", qui dominaient jusque là dans la campagne.

Ces dernières semaines ses meetings ont fait salle comble, avec un public plutôt jeune, altermondialiste, en quête d'une "autre politique" ou d'un "vrai socialisme". Ses partisans l'acclament à son dernier meeting quand il critique l'extrême droite qui l'accuse d'islamo-gauchisme et l'a surnommé Bilal Hamon : "je suis fier qu'ils m'appellent Bilal et je serais fier qu'ils m'appellent Elie".

Des ténors écologistes ont salué sa récente "conversion" aux thèmes verts et sa vision "lucide, clairvoyante, ambitieuse". Plus préoccuppé par la "dette écologique" que par la réduction des déficits, il défend le "droit à respirer un air de qualité et boire une eau de qualité", veut réduire l'usage des pesticides, développer l'agriculture bio et interdire les perturbateurs endocriniens.

Souvent décriées, raillées, ses idées ont fait couler beaucoup d'encre : le revenu universel d'existence, la possibilité pour une minorité de citoyens de proposer une loi ou de la bloquer...

Il fustige "la course à la croissance", préfère la "tempérance", veut "encourager" la réduction du temps de travail et, surtout, "changer le rapport au travail" dans un monde en plein bouleversement numérique.

Il défend une société dans laquelle plus personne ne serait stigmatisé pour son orientation sexuelle, son genre ou sa religion, notamment les musulmans. Il refuse que la France se serve de sa loi sur la laïcité comme d'"un glaive", face aux tenants d'une laïcité rigoureuse, hostile au foulard islamique.

Côté vie privée ce père de deux filles reste plutôt discret, à la demande de sa compagne, dit-il. Celle-ci est cadre supérieure chez le groupe de luxe LVMH.

Avec AFP