La France a clairement mis en garde jeudi contre une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, ou Brexit, avertissant qu'elle pourrait ne plus retenir à Calais les milliers de migrants qui veulent gagner la Grande-Bretagne.
"Le jour où cette relation sera rompue, les migrants ne seront plus à Calais", a déclaré le ministre de l'Economie Emmanuel Macron au quotidien financier britannique Financial Times.
Le président François Hollande a renchéri quelques heures plus tard à l'issue d'un sommet franco-britannique à Amiens (nord de la France). "Il y aura des conséquences si le Royaume-Uni quitte l'UE (...) y compris sur la manière de gérer les situations en matière de migrations", a-t-il déclaré aux côtés du Premier ministre britannique David Cameron.
Les deux responsables français apportent ainsi de l'eau au moulin de David Cameron, lancé dans une bataille pour convaincre ses compatriotes de voter pour un maintien dans l'UE lors d'un référendum organisé le 23 juin, arguant que son pays s'en porterait plus mal.
M. Cameron avait le premier utilisé cet argument des migrants de Calais début février, agitant la menace de leur arrivée massive dans le Kent, au sud de Londres, s'il prenait l'envie à la France d'arrêter ses contrôles aux frontières en cas de Brexit et de laisser filer vers l'Angleterre les milliers de personnes bloquées dans le nord de la France.
Pour juguler l'immigration clandestine vers le Royaume-Uni, Londres et Paris ont conclu en 2003 le Traité du Touquet qui a conduit à la mise en place de bureaux de contrôle frontalier communs dans les ports de la Manche et de la mer du Nord.
Les partisans du Brexit se sont empressés d'affirmer que ces déclarations visaient uniquement à effrayer les électeurs.
Selon le député conservateur Bernard Jenkin, membre de l'organisation pro-Brexit "Vote Leave", interrogé sur la BBC, "nous avons affaire à de la propagande venant d'autres gouvernements européens à la demande du Premier ministre pour effrayer les gens et les dissuader de voter pour une sortie" de l'UE.
Le traité du Touquet "est un traité bilatéral de gouvernement à gouvernement et n'a rien à voir avec notre appartenance à l'UE", a relevé pour sa part le porte-parole de la campagne "Leave EU", Jack Montgomery.
Rappelant la position récemment exprimée par le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, il a estimé que "rien n'a changé, à part le besoin de faire peur aux électeurs britanniques".
M. Cazeneuve avait rejeté début février l'idée de dénoncer le traité du Touquet, estimant que cela reviendrait à "envoyer le signal aux passeurs qu'ils sont légitimes à mettre tous les migrants à la frontière pour qu'ils passent" et dans ce cas "demain il n'y en aura plus 6.000 mais 20.000".
Endiguer l'arrivée d'immigrants au Royaume-Uni est l'un des thèmes de la campagne en vue du référendum du 23 juin, les partisans d'un Brexit estimant que le pays doit reprendre le contrôle de ses frontières.
Lors du sommet d'Amiens, Londres a annoncé une aide financière supplémentaire de 22 millions d'euros pour aider la France à faire face à la crise des migrants à Calais.
Les autorités françaises ont commencé cette semaine le démantèlement de la zone sud du camp de "La Jungle" de Calais, le plus grand bidonville de France où s'entassent des milliers de migrants cherchant à gagner l'Angleterre.
Un autre responsable européen de haut rang est venu donner un coup de pouce jeudi au Premier ministre britannique en la personne de Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances: l'Union européenne serait "moins stable, plus fragile", a averti le grand argentier allemand devant un parterre d'hommes d'affaires à Londres, assurant même qu'un Brexit le ferait "pleurer"
Les milieux d'affaires et financiers britanniques sont eux largement opposés à un Brexit. Les sondages peinent pour l'heure à donner une tendance, laissant entendre que le résultat sera serré.
Avec AFP