Gabon: Démission du ministre de la Justice, timide retour à la normale

La police gabonaise patrouille dans les rues après les manifestations post-électorales à Libreville, Gabon, 1 septembre 2016.

La crise au Gabon a vécu un nouveau rebondissement lundi soir avec une première défection de haut niveau dans l'entourage d'Ali Bongo Ondimba, son ministre de la Justice, alors qu'un semblant de vie normale avait repris dans la journée dans le pays.

En première ligne dans la crise gabonaise, la France s'est inquiétée d'être sans nouvelles de plusieurs de ses ressortissants ou binationaux au Gabon. Des dizaines de Gabonais cherchent toujours un proche introuvable depuis les violences et les centaines d'arrestations qui ont suivi l'annonce de la réélection contestée d'Ali Bongo mercredi dernier.

La vie a repris lundi dans un calme précaire après une paralysie totale de l'économie due à l'élection présidentielle du 27 août et aux violences meurtrières accompagnées de pillages massifs qui ont suivi l'annonce de la réélection contestée du président Bongo.

A Libreville, le centre de la capitale a retrouvé son animation habituelle, malgré un appel lancé la veille par l'opposition aux Gabonais à rester chez eux "pour des raisons de sécurité". Mais les habitants doutent que la crise post-électorale soit achevée.

L'opposant Jean Ping, qui se déclare "président élu", a demandé lundi aux Gabonais de "résister par le blocage économique du pays" en lançant un appel à une "grève générale" pour "faire tomber le tyran", dans une déclaration sur sa page Facebook. Celle-ci n'est toutefois pas accessible au Gabon en raison de la coupure des réseaux sociaux.

Une question commence à se poser: M. Ping, va-t-il déposer un recours devant la Cour constitutionnelle d'ici à jeudi, la date limite ?

Le ministre de la Justice du Gabon et deuxième vice-Premier ministre, Séraphin Moundounga, a annoncé qu'il démissionnnait lundi. Il a demandé le "recomptage des voix bureau de vote par bureau de vote et procès-verbal par procès-verbal."

Plusieurs dizaines de personnes se sont par ailleurs regroupées lundi devant le palais de justice de Libreville dans l'espoir d'obtenir des nouvelles d'un proche introuvable depuis le début des violences, alors que le parquet doit entendre des centaines de personnes arrêtées lors des troubles de la semaine dernière.

La France est pour sa part "sans nouvelles de plusieurs de ses compatriotes" après les troubles violents qui ont suivi l'annonce de la réélection contestée du président Bongo, a déclaré lundi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault.

"Des arrestations ont eu lieu ces derniers jours. La France est sans nouvelles de plusieurs de ses compatriotes", a déclaré le ministre, qui exprime "sa vive préoccupation". Une dizaine de personnes, possédant toutes la double nationalité franco-gabonaise, ne peuvent être localisées, a-t-on précisé de source diplomatique.

De son côté, l'Union africaine (UA) a annoncé qu'elle était prête à envoyer une délégation au Gabon. "Une délégation à haut niveau composée de chefs d'Etat africains, accompagnés par de hauts responsables de la Commission de l'UA et des Nations unies, est prête à être envoyée à Libreville, dès que les conditions pour une visite seront établies";

L'internet, qui avait été partiellement rétabli lundi après une coupure totale de cinq jours, a été à nouveau coupé.

Les banques, fermées depuis bientôt une semaine, ont rouvert. Les taxis collectifs circulent de nouveau.

Rayons dégarnis

Les commerces ont également rouvert, souvent avec des rayons dégarnis. Le secteur de la distribution a été frappé de plein fouet par la paralysie des transports.

Dans la capitale pétrolière, Port-Gentil, seule la moitié des salariés au siège de Total ont repris le travail lundi, selon une source au sein de la direction.

"On a l'impression d'un faux calme", témoigne à Lambaréné (centre) un cadre d'une société de distribution de produits frais (tomates, ananas...), qui déplore deux à trois millions de FCFA (3.000 à 4.500 euros) de pertes.

Pays pétrolier d'Afrique centrale d'environ 1,8 million d'habitants, le Gabon importe 80% de sa nourriture, notamment du Cameroun voisin. Or, le trafic en provenance du Cameroun reste interrompu, les transporteurs redoutant les pilleurs.

Les troubles ont provoqué des pénuries et une flambée des prix. "Quatre piments, maintenant ça fait 1.000 francs" CFA (1,5 euro), contre 200 à 300 CFA en temps ordinaire, déplore André, habitant du quartier populaire de Lalala-à-gauche, dans la capitale.

Après l'explosion de violences mercredi à la proclamation des résultats officiels provisoires, les Gabonais qui le peuvent veulent reconstituer un stock de nourriture avant la prochaine étape du processus électoral: la proclamation par la Cour constitutionnelle des résultats définitifs du scrutin à un tour du 27 août.

"Ca va chauffer grave", pronostique André, exprimant une opinion largement répandue.

Tractations souterraines

Dénonçant des fraudes massives, le camp de M. Ping réclame un recomptage des voix bureau de vote par bureau, particulièrement dans la province du Haut-Ogooué - fief de la famille Bongo - où la participation officielle a dépassé 99% avec plus de 95% des suffrages pour le président sortant.

Selon les résultats officiels provisoires, M. Bongo a recueilli 5.594 voix de plus que M. Ping, un ancien cacique du régime d'Omar Bongo, qui a dirigé le Gabon pendant 41 ans, jusque sa mort en 2009. L'élection de son fils Ali avait alors déjà été violemment contestée.

Avec AFP