Aucun trouble majeur n'était signalé mardi à la mi-journée dans la capitale Libreville. Comme la veille, l'activité a repris au ralenti, chacun attendant avec angoisse l'issue de la confrontation entre pouvoir et opposition.
Le Premier ministre français Manuel Valls a souhaité mardi un nouveau décompte des voix du scrutin présidentiel à un tour du 27 août. Selon les résultats officiels provisoires, rejetés par l'opposition, M. Bongo l'a emporté avec 5.594 voix d'avance, dans ce petit pays d'Afrique centrale qui compte environ 1,8 million d'habitants.
"Il y a contestations et des doutes. Les observateurs européens sur place ont émis des critiques sur la base de faits objectifs. La sagesse commanderait de faire un nouveau décompte des résultats", a-t-il déclaré sur la radio RTL.
Comme l'opposition, l'Union européenne et les Etats-Unis, la France avait déjà demandé la publication des résultats de tous les bureaux de vote du Gabon (environ 2.500) sans aller jusqu'à évoquer un recomptage des voix.
Ce nouveau décompte est en revanche réclamé par M. Ping qui a lancé lundi un appel virulent à une "grève générale" pour bloquer l'économie du pays et "faire tomber le tyran".
De son côté, le pouvoir refuse tout recomptage en arguant que la loi électorale ne le prévoit pas, et a accusé l'opposant de "complot" par la voix du ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Alain-Claude Bilie-By-Nze.
Défection et accusations
Le ministre a également affirmé lundi soir qu'un Ivoirien avait été arrêté au QG de Jean Ping. Il a accusé ce ressortissant ivoirien de manipuler les résultats de l'élection présidentielle.
"Nous ne disons pas que l'Etat de Côte d'Ivoire est impliqué, mais des ressortissants ivoiriens haut-placés le sont", a ajouté le ministre. Le 30 août, Alain-Claude Bilie-By-Nze avait déjà dénoncé des "ingérences multiples", visant la France et la Côte d'Ivoire.
Sortant de son habituelle réserve, l'Union africaine (UA) s'est dite prête à envoyer au Gabon "une délégation de haut niveau composée de chefs d'Etat africains, accompagnés par de hauts responsables de la Commission de l'UA et des Nations unies", "dès que les conditions pour une visite seront établies".
M. Ping est lui-même ancien président de la Commission de l'UA. Comme nombre de responsables de l'opposition, il a travaillé de longue années aux côtés du président sortant, sous le régime du père de ce dernier, Omar Bongo qui a dirigé le pays pendant 41 ans jusque sa mort en 2009.
Ces tensions grandissantes ont abouti lundi soir à la démission d'un poids-lourd du gouvernement, le ministre de la Justice du Gabon et deuxième vice-Premier ministre, Séraphin Moundounga.
Demandant lui aussi "recomptage des voix bureau de vote par bureau de vote et procès-verbal par procès-verbal", il a jugé que "la paix est gravement menacée" au Gabon.
Recours constitutionnel
Face à ces multiples demandes, le pouvoir invite l'opposition à se tourner vers la Cour constitutionnelle. Jusqu'à présent, celle-ci refuse, affirmant que la Cour est totalement inféodée à la présidence. La date butoir pour le dépôt des recours devant la Cour est jeudi à 16H00 (15H00 GMT).
Les violences au Gabon après l'annonce de la réélection contestée du président sortant Ali Bongo la semaine dernière ont fait trois morts et 105 blessés, dont 67 parmi les forces de sécurité, a déclaré lundi le ministre de l'Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya.
L'AFP a recensé pour sa part sept morts, dont un policier. Il y a une confusion avec d'autres personnes qui sont mortes de mort naturelle ou dans des rixes mais pas du fait des forces de l'ordre, a expliqué en substance le ministre.
La France s'est également inquiétée lundi d'être sans nouvelles de plusieurs de ses ressortissants binationaux au Gabon. Des dizaines de Gabonais cherchent toujours un proche introuvable depuis les violences et les centaines d'arrestations qui ont suivi l'annonce de la réélection de M. Bongo.
Dans un communiqué, le ministère gabonais des Affaires étrangères a confirmé l'interpellation de binationaux par les forces de l'ordre pendant les manifestations post-électorales.
Lors d'une nouvelle audience de comparution au tribunal de Libreville de dizaines de personnes arrêtées la semaine dernière, deux frères franco-gabonais, Baptiste, 29 ans, et Cassien, 25 ans, ont été libérés mardi, a constaté un journaliste de l'AFP.
Avec AFP