Le président de la Cour suprême se récuse en Gambie

Yahya Jammeh attends the plenary session of the Africa-South America Summit on Margarita Island, Sept. 27, 2009.

Emmanuel Fagbenle s'est récusé de l'examen du recours porté devant cette juridiction par le chef de l'Etat Yahya Jammeh contre l'investiture de son successeur élu Adama Barrow, prévue le 19 janvier.

Adama Barrow, accueilli au Sénégal voisin depuis dimanche jusqu'à la date de son investiture, a appelé ses concitoyens à "continuer à faire preuve de retenue, à respecter la loi et à ne pas répondre à la provocation", dans une déclaration à Dakar lue par son conseiller, Mai Fatty.

La Gambie est plongée dans une grave crise depuis que M. Jammeh a annoncé le 9 décembre qu'il ne reconnaissait plus les résultats de la présidentielle du 1er décembre, une semaine après avoir pourtant félicité M. Barrow pour sa victoire.

M. Jammeh a saisi la Cour suprême pour réclamer l'annulation des résultats et a déposé la semaine dernière un nouveau recours pour que celle-ci interdise à toute autorité judiciaire, y compris elle-même, de participer à la prestation de serment d'Adama Barrow.

"Etant donné que cette injonction me concerne en tant que président de la Cour suprême, je me récuse de son examen", a déclaré à l'audience lundi M. Fagbnele, un magistrat nigérian. "Ce recours attendra donc que la Cour suprême soit constituée ou le temps de permettre aux juges d'arriver en Gambie".

L'avocat de M. Jammeh et du parti au pouvoir, Edward Gomez, a reconnu qu'il ne lui serait pas possible d'obtenir l'injonction demandée avant le 19 janvier "parce que le président de la Cour suprême a dit très clairement qu'il ne pouvait pas se prononcer seul sur ce dossier".

Yahya Jammeh a demandé à son homologue libérienne Ellen Johnson Sirleaf, en tant que présidente en exercice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), d'accélérer l'envoi de juges pour pourvoir les sièges vacants à la Cour suprême, réaffirmant que "le statu quo devait prévaloir" tant que celle-ci n'aurait pas statué sur ses recours.

"La soi-disant date du 19 janvier n'est pas gravée dans le marbre", a-t-il déclaré lors d'une conversation téléphonique avec Mme Sirleaf, dont l'enregistrement a été diffusé dans la nuit de dimanche à lundi par la télévision d'Etat GRTS.

M. Barrow a été accueilli par le Sénégal à la demande de Mme Sirleaf, a précisé le président élu dans la déclaration lue par son conseiller, assurant de nouveau qu'il serait en Gambie pour y prêter serment et prendre ses fonctions le 19 janvier.

Il a quitté Banjul vendredi avec la présidente libérienne, qui participait à une mission de dirigeants de la Cédéao pour convaincre Yahya Jammeh de quitter le pouvoir le 19 janvier, à destination de Bamako, où il a assisté au sommet Afrique-France.

M. Barrow est ensuite reparti de Bamako pour Dakar avec le chef de l'Etat sénégalais Macky Sall.

Il a par ailleurs été frappé par une tragédie personnelle. Un de ses fils, Habibou, 8 ans, mordu par des chiens dimanche, est décédé et a été inhumé lundi en présence de plusieurs centaines de personnes, a-t-on appris auprès de son entourage.

Le 9 janvier, M. Fagbenle avait annoncé que la Cour suprême ne pourrait pas statuer avant plusieurs mois, le temps de recruter à l'étranger les magistrats manquants.

La Gambie, petit Etat de moins de deux millions d'habitants, fait souvent appel à des magistrats d'autres pays anglophones, notamment du Nigeria, pour renforcer son système judiciaire.

Avec AFP