Pour se faire entendre, le personnel du centre de réhabilitation des handicapés a lancé une grève pacifique en début de semaine paralysant ainsi les services du centre qui vit un grand malaise.
Personnels, malades et apprenants ne supportent plus les conditions.
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Les travailleurs sont sans salaire et sans motivation. Le mot d’ordre de grève pacifique est, pour eux, l’ultime voie de recours après huit ans d’attente d’amélioration de leurs conditions de travail et de vie.
"En 2009, le centre est devenu un établissement public administratif par décret présidentiel. Une nouvelle grille salariale a été arrêtée pour le personnel, mais rien n’a changé dans nos bulletins de paie", explique M Ndjoumou Ruben, délégué et représentant du personnel au sein du Conseil d’administration du centre national de réhabilitation des handicapés du Cameroun.
M Ndjoumou revient d’une réunion de crise à laquelle les autorités administratives, la direction du centre national des handicapés, les responsables du syndicat et du personnel ont pris part, pour éplucher les 12 doléances des grévistes.
Nous sommes au troisième mois sans salaire. Nous n’avons plus de force pour nous occuper des patients".M Ndjoumou Ruben
Les négociations ont avancé selon lui, mais d’ici deux semaines "nous attendons des réponses concrètes à nos doléances, car je suis convaincu que l’ordre a été donné de payer nos primes mais elles ont été retenues par la direction", a t-il-déclare, montrant qu'un climat de méfiance persiste entre le personnel et la direction.
"Nous sommes au troisième mois sans salaire. Nous n’avons plus de force pour nous occuper des patients", nous révèle M Ndjoumou.
L’handicap des équipements
Le centre national de réhabilitation des handicapés du Cameroun créé en 1971, par un prélat canadien, puis concédé au Cameroun en 1978, poursuit aussi une mission de formation des personnes handicapées et valides.
Ce matin, tous les apprenants ont quartier libre. Aucun enseignant dans les salles de classe. Les ateliers de formation sont vides.
"Un mauvais jour s’est levé sur le centre", nous souffle une élève, surprise de constater que tout le personnel soit vêtu en noir.
Seules trois machines à coudre sur les 17 fonctionnent dans cette salle. Pendant les exercices pratiques, comme le 8 mars dernier, nous nous relayons à tour de rôle sur les mêmes machines, un travail fastidieux".Eloundou, élève en 3e année en industrie et habillement.
En réalité, les apprenants du centre sont aussi mieux placés pour constater la mort à petit feu du volet formation inscrit dans le cahier des charges du centre.
Dans l’un des ateliers de menuiserie en cessation d’activités ce jour, le visiteur aperçoit aisément que les apprenants du centre sont mal-lotis.
"Aucune machine ne fonctionne ici. Tout est en arrêt pour de petites pannes. On nous dit qu’il n’y a pas l’argent pour les dépanner", nous révèle le moniteur de l’atelier de menuiserie.
Pour monter un ouvrage, "nous sommes obligés de solliciter les services à l’extérieur du centre soit pour scier ou pour raboter une simple planche", ajoute t-il.
L’atelier de couture a des conditions similaires. L’insuffisance du matériel est anecdotique.
"Seules trois machines à coudre sur les 17 fonctionnent dans cette salle. Pendant les exercices pratiques, comme le 8 mars dernier, nous nous relayons à tour de rôle sur les mêmes machines, un travail fastidieux", raconte la petite Eloundou, élève en 3e année en industrie et habillement au centre.
Pas d’eau courante
Les patients grincent également les dents contre le centre. Concorde Bindzi, une sexagénaire, n’a pas eu droit aux soins du jour. Elle est arrivée au centre pour recevoir un pansement après une opération qu’elle a subie quelques mois plus tôt.
"Il n’y a pas l’eau courante. Lors de mon opération, on m’a demandé d’acheter une palette de six bouteilles d’eau minérale. Après j’ai été internée pour me laver. Comment un malade handicapé moteur peut s’en sortir dans ces conditions ?", s’interroge-t-elle.
Elle renchérit : "ce n’est parce-que nous sommes au centre des handicapés que les services hospitaliers doivent aussi être handicapés".
Sans eau courante depuis des années, les robinets et la piscine de rééducation du centre des handicapés sont à sec. Les gardes malades parcourent une centaine de mètres environ pour puiser de l’eau impropre à la consommation. Le puits en question est constamment à la merci des intempéries.
L’avenir des handicapés au Cameroun en jeu.
C’est fort de tous ces désagréments structurels et fonctionnels que le syndicat pour l’émergence du social au Cameroun, (SY Social), a appelé à la grève.
Objectifs: restaurer l’image de marque du centre et donner un service efficace à tous les patients tel que voulu par l’Etat du Cameroun depuis 2009.
"Le budget de fonctionnement avoisine 500 millions de francs CFA. Près de 4 milliards de francs CFA pour la restructuration du centre ont été votés. Où va l’argent ?".Étienne Roland Ngo’o, un handicapé moteur, personnel du Centre et président de syndicat.
"Les pouvoirs publics reversent d’énormes sommes d’argent pour cet établissement. Le budget de fonctionnement avoisine 500 millions de francs CFA. Près de 4 milliards de francs CFA pour la restructuration du centre ont été votés. Mais le centre est tombé en ruine. Les dortoirs, les équipements ont vieilli. Où va l’argent ? Cette gestion de façade doit cesser", explique Étienne Roland Ngo’o, un handicapé moteur, personnel du Centre et président de syndicat.
Sans réel pouvoir face aux multiples doléances, Grâce Fomuluh, directrice du centre est consciente du malaise.
Elle se dédouane et accuse au sujet de certaines doléances.
"Je ne peux que résoudre les problèmes qui relèvent de ma compétence. Le reste des doléances sont acheminées au conseil d’administration qui va décider", explique-t-elle.
Au sujet du manque d’eau courante au centre, elle indexe la commission de passation des marchés publics.
"La commission a attribué le marché à un individu qui ne l’a pas exécuté", affirme-t-elle.
Pour le reste, la directrice reconnaît que le centre a besoin d’une réelle métamorphose.
L’Etat a pris la ferme résolution de donner un autre visage au centre national de réhabilitation des handicapés du Cameroun, rassure-t-elle.
En attendant, le délabrement avancé des lieux saute à l’œil nu.
Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé