Au premier jour du procès historique en destitution du président des Etats-Unis, ces professionnels de la joute oratoire se sont pliés à l'ordre intimé par le "sergent d'armes" du Sénat, un gradé chargé du protocole: se taire "sous peine d'être emprisonné".
Seule exception: toutes les deux heures, les cent élus de la chambre haute du Congrès se sont levés un par un pour dire "oui" ou "non" à une série d'amendements proposés par la minorité démocrate en vue d'obtenir de nouveaux documents et témoins.
Lire aussi : Les figures-clés du procès en destitution de Donald TrumpEt chaque parti a fait bloc, sans aucune fissure. Les 53 sénateurs républicains ont systématiquement rejeté ces demandes, et leurs 47 homologues démocrates les ont toutes soutenues.
"Ses mensonges nous divisent". En ce mardi glacial, un manifestant avait brandi ce slogan devant le Capitole, se faisant l'écho des fractures suscitées en son sein par le locataire de la Maison Blanche.
Les touristes, venus visiter ce bâtiment emblématique de Washington, reflétaient aussi ces divisions, qui touchent toute la société américaine. Un partisan du président refusait ainsi de parler d'un jour historique. "Une mascarade! Heureusement, ça ne devrait pas traîner", glissait-il sans donner son nom.
Lire aussi : Le procès historique de Donald Trump entre dans le vif du sujetS'il parvient à tenir sa majorité jusqu'au bout, le chef républicain du Sénat Mitch McConnell devrait en effet obtenir rapidement l'acquittement de Donald Trump, peut-être d'ici deux semaines.
"Je ne m'attends pas à un procès équitable", regrettait un autre touriste, Tim Boyer, venu de Caroline du Nord. "Mais j'espère qu'il y aura des témoins, des documents, que les sénateurs feront ce qu'ils ont à faire..."
- "Dans les tranchées" -
Avant d'entrer dans l'hémicycle bleu et or, la sénatrice républicaine Shelley Moore Capito admettait qu'il y avait des tensions dans l'air: "c'est une affaire grave!".
Contrairement aux sessions habituelles, les élus, appelés à jouer le rôle de juges et de jurés sous la supervision du juge de la Cour suprême John Roberts, ont laissé les avocats et les défenseurs du président livrer bataille à leur place.
Lire aussi : Ouverture du procès en destitution de TrumpSolennité oblige, ils ont également été sommés d'abandonner leurs téléphones et ordinateurs portables. "Je vais peut-être souffrir d'un petit manque", a plaisanté Mme Moore Capito, en se disant prête à tenir "le temps qu'il faudra".
De fait, le temps s'est allongé et les passes d'armes se sont prolongées jusque tard dans la nuit. Peu à peu, les rangs se sont clairsemés dans les balcons réservés au public, où l'actrice Alyssa Milano a fait une apparition.
Lors d'une suspension de séance, le sénateur républicain Ted Cruz s'est plaint que l'opposition "dépose des motions redondantes à n'en plus finir".
D'autres élus se sont rués sur leur portable pour tweeter, comme la démocrate Elizabeth Warren, en lice pour la primaire de son parti: "Soyons clairs, nous ne serions pas en train de débattre d'amendements à 22H00 si les sénateurs républicains ne trichaient pas avec les règles du procès".
En Europe, à cette heure, il y a "des soldats ukrainiens qui se réveillent dans des tranchées face à des chars russes", a renchéri dans l'hémicycle son collègue Jason Crow, l'un des procureurs désignés par la chambre des représentants pour porter l'accusation contre Donald Trump.
Les démocrates majoritaires à la chambre basse accusent Donald Trump d'avoir bloqué une aide militaire cruciale pour l'Ukraine, afin de la forcer à enquêter sur un de ses rivaux à la présidentielle de novembre.
Poursuivant sa référence aux soldats de ce pays, M. Crow, un ancien militaire, a mouché ses adversaires: "Je ne crois pas qu'ils aimeraient nous entendre parler de notre fatigue!"